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— 1815 —

princesse dans une calèche découverte que traînait une troupe de jeunes filles toutes vêtues de blanc et ceintes d’écharpes aux couleurs de la ville, tandis que d’autres groupes de jeunes personnes vêtues comme les premières jetaient des fleurs sur son passage. Les rues étaient garnies des plus riches tentures. L’enthousiasme bordelais se maintint à ce niveau jusqu’au 9. Ce jour-là, le commerce donnait une fête splendide à la duchesse ; elle y parut le front calme, le visage serein. Le duc, vers la fin du bal, quitta la salle, monta en chaise de poste et partit pour Nîmes. La nouvelle du débarquement de l’Empereur, apportée la nuit précédente par le courrier que M. de Vitrolles avait expédié dans la nuit du 5 au 6, venait de décider ce brusque départ.

Le duc d’Angoulême, on le sait, devait prendre le commandement des cinq divisions militaires du Midi. « Maintenez le Languedoc et la Provence dans le devoir, avait dit la duchesse à son mari ; je me charge de garder Bordeaux et tous les départements voisins. » Le caractère et la décision de la duchesse d’Angoulême n’étaient pas au-dessous de cette tâche. Sa fermeté, dans les jours qui suivirent, fit dire à l’Empereur « qu’elle était le seul homme de sa famille. » Mais que peut la volonté, même la plus énergique, contre l’entraînement de tout un peuple ? Le débarquement de l’île d’Elbe, annoncé le lendemain aux autorités de Bordeaux, causa plus de surprise que d’inquiétude. Des enrôlements de volontaires furent cependant ordonnés ; on appela des troupes, on réunit des approvisionnements, des munitions, moins pour défendre la ville que pour fournir aux besoins du duc, auquel des renforts furent, en effet, envoyés. La duchesse ne redoutait rien pour Bordeaux. La garde nationale n’était-elle pas dévouée ? L’un des deux régiments d’infanterie composant la garnison ne portait-il pas le nom de régiment d’Angoulême ? et le colonel ne s’était-il pas écrié en apprenant le retour de l’Empereur : « Ah ! tant mieux ! nous allons être enfin débarrassés de cet homme ! » Pendant plusieurs jours, les visites de la princesse dans les ca-