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— 1814 —

présence au comte d’Artois, celui des membres de la famille de Bourbon qui se trouvait le plus rapproché de Paris, et que sa qualité de frère du roi faisait le représentant naturel de la royauté ; discours, adresses, articles de journaux, cris dans les lieux publics, ils employaient tous les moyens pour forcer le gouvernement provisoire à hâter la venue de ce prince. Une première fois, M. de Talleyrand, cédant aux instantes obsessions du baron de Vitrolles, avait préparé une lettre que ce dernier devait porter au comte d’Artois, alors à Nancy ; il la tendait pour la remettre à M. de Vitrolles, quand on annonça l’arrivée des plénipotentiaires chargés de traiter pour la Régence. « Ceci change complétement les choses, » dit le prince de Bénévent en retirant la main et en mettant la lettre de côté. Ce fut seulement après le rejet absolu de cette combinaison, lorsque le rappel des Bourbons fut positivement décidé, que le président du gouvernement provisoire consentit enfin à faire transmettre au frère de Louis XVIII la lettre écrite le 4, et dans laquelle était la phrase suivante : « Jusqu’à présent, nous avons eu la gloire ; venez nous apporter l’honneur. » Cette dépêche trouva le prince à Nancy.

Le comte d’Artois se mit en route dès le lendemain, accompagné de M. de Vitrolles et des quelques émigrés qui l’avaient suivi depuis la frontière de Suisse. Il marchait à petites journées, encourageant, sur son passage, la distribution de cocardes blanches et de rubans blancs, et jetant invariablement ces paroles de sa proclamation de Vesoul aux autorités et aux rares députations qui se présentaient pour le saluer : La paix ! plus de conscription ! plus de droits réunis ! Il venait d’arriver à Vitry-le-Français, quand un courrier du gouvernement provisoire remit à M. de Vitrolles une copie de la constitution sénatoriale. La lecture de cet acte jeta M. de Vitrolles dans le plus grand embarras. Parti de Paris le 5 avril au soir, après la première déclaration du Sénat en faveur de Louis XVIII, il avait annoncé au prince que son arrivée était impatiemment attendue, et qu’il serait reçu par toutes les autorités, par tous