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— 1815 —

affections personnelles du roi. » La proposition n’eut point de suite.

On demanda à M. de la Fayette quel serait son remède. « Je conseillai un appel immédiat des membres de toutes les Assemblées nationales depuis 1789, qui se trouvaient à Paris, » a dit M. de la Fayette, dont la pensée, malgré les vingt-six ans qui venaient de s’écouler, restait aux jours où il avait eu le commandement en chef des gardes nationales du royaume ; « je voulais opposer une grande force morale à la force physique déjà décidée pour Bonaparte. J’ajoutai qu’il serait prudent d’écarter les neveux du roi et de n’employer que son cousin M. le duc d’Orléans, le seul prince populaire. Mon avis n’excita que de l’effroi et du soupçon. M. de Chateaubriand proposa de nous ranger tous autour du roi pour y être égorgés, afin que notre sang devînt une semence d’où renaîtrait un jour la Monarchie. Benjamin Constant se mit à rire du dédommagement qu’on nous offrait[1]. » Dans les réunions qui suivirent, on parvint pourtant à se mettre d’accord sur ces points : le roi serait invité à renvoyer MM. de Montesquiou, Dambray et Ferrand[2] ; il introduirait dans la Chambre des pairs quarante membres nouveaux, pris exclusivement dans les rangs des royalistes constitutionnels, et dont les noms avaient été convenus dans la réunion ; Benjamin Constant serait nommé commissaire royal près la Chambre des députés ; enfin, cette dernière Assemblée comblerait les vides nombreux existant sur ses bancs, en élisant elle-même des députés, au nombre desquels devaient se trouver MM. de la Fayette et Voyer d’Argenson. Ce dernier refusa d’abord d’accepter cette élection étrange ; mais ses scrupules finirent par céder devant les instances de M. de la Fayette, qui voyait dans cette mesure

  1. Mémoires, t. V, p. 372 et 373.
  2. On avait surtout insisté sur le renvoi du maréchal Soult, dont l’exagération royaliste, entée sur ses habitudes de commandement militaire, paraissait à l’assemblée plus dangereuse encore que les préjugés des trois autres ; mais ce ministre venait d’être disgracié.