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cela en termes trop supérieurs aux préjugés de sa famille pour ne pas reconnaître en lui le seul Bourbon compatible avec une constitution libre[1]. »

La Restauration avait conservé le Corps législatif impérial. M. de la Fayette ne faisait point partie de cette Assemblée. Obligé de rentrer dans son rôle de simple spectateur, il revint à son château de la Grange. C’est dans cette retraite que le trouva la nouvelle du débarquement de l’île d’Elbe. Elle lui fut annoncée par son fils ; il accourut à Paris. « Il n’apportait que des vœux contraires à Napoléon, a dit Benjamin Constant ; sa disposition fut bientôt connue ; on lui demanda si, dans la ligne de ses opinions, on pouvait compter sur lui ; il se dévoua sans hésitation[2]. » — « Je ne croyais pas à la conversion de Napoléon, a dit à son tour M. de la Fayette, et je trouvais de meilleures chances dans la maladroite et pusillanime malveillance des Bourbons que dans la vigoureuse et profonde perversité de leur adversaire... On aurait dit qu’avec lui (Napoléon), ce qu’il y avait de république sentait le terroriste, comme le monarchiste sentait le tyran[3]. » Des réunions chez M. Lainé, président de la Chambre des députés, et dans lesquelles se rencontraient des hommes appartenant à toutes les nuances de l’opinion monarchique constitutionnelle, entre autres MM. de Lally-Tollendal, de Pradel, de Chateaubriand, Flaugergues, de Broglie, d’Argenson et Benjamin Constant, venaient de s’organiser pour aviser aux moyens de sauver la Monarchie. M. de la Fayette y fut appelé. Un de ses amis, la première fois qu’il s’y présenta, proposa, comme un moyen infaillible de salut, de rendre à ce général le commandement en chef de la garde nationale, alors confié au comte d’Artois. M. de Pradel, qui assistait à cette réunion, moins pour son compte personnel que comme représentant de la cour et de M. de Blacas, se leva et déclara « qu’il était impossible de faire cette violence aux

  1. Mémoires, t. V, p. 308 et 309.
  2. Benjamin Constant, Mémoires sur les Cent-Jours.
  3. M. de la Fayette, Mémoires, t. V.