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— 1815 —

le salut de la France, comme en 1792, dans une mesure qui pouvait désorganiser toute résistance à l’invasion. L’ancien commandant de la garde nationale parisienne s’efforçait de soulever quelques bataillons de cette garde, non pour les conduire à l’ennemi, mais pour faire proclamer la déchéance du glorieux parvenu qui continuait alors, sur la frontière de la Lorraine, l’héroïque lutte que ses soldats et lui soutenaient depuis deux mois. « Je m’offris à des chefs de la garde nationale, a raconté M. de la Fayette ; nous convînmes, M. Ternaux (chef de la 3e légion) et moi, que s’il s’assurait d’un bataillon, je marcherais à sa tête. J’essayai aussi du côté de l’armée pour arracher l’abdication qui eût alors été si salutaire... Mes tentatives civiles ne réussirent pas mieux. Partout on me trouva téméraire, et, jusqu’à la fin, précipité[1] ... » M. de la Fayette n’avait pas eu le temps de surmonter toutes les répugnances soulevées par son projet, que déjà les canons alliés avaient décidé la question.

Napoléon abattu et les Bourbons rappelés, M. de la Fayette voulut se rapprocher de ceux-ci. Il écrivit au comte d’Artois pour le complimenter sur son retour[2], et parut aux Tuileries lors de la première audience publique de Louis XVIII. Le roi et son frère lui firent un accueil dont il se montra d’abord satisfait ; il reçut des compliments, entendit quelques paroles gracieuses mais ses rapports avec la nouvelle cour ne devaient pas aller plus loin. Le duc d’Orléans reçut également sa visite : « Il me témoigna sa sensibilité à cette démarche, a dit encore M. de la Fayette ; il parla de nos temps de proscription, de la communauté de nos opinions, de sa considération pour moi, pour mes principes, pour mon caractère, et tout

  1. Mémoires de M. de la Fayette, t. V, p. 308.
  2. Sa lettre était ainsi conçue : « Monseigneur, il n’y a point d’époque ni de sentiment dans ma vie qui ne concourent à me rendre heureux de voir votre retour devenir un signal et un gage du bonheur et de la liberté publique. Profondément uni à cette satisfaction nationale, j’ai besoin d’offrir à Monsieur l’hommage de mon attachement personnel et du respect avec lequel je suis, etc. — Paris, ce 15 avril 1814. » (Mémoires de M. de la Fayette, t. V.)