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— 1814 —

Le provisoire administratif de M. de Talleyrand et de ses collègues était une véritable immobilité. Cette situation ne pouvait se prolonger sans péril. Aussi longtemps qu’il ne s’était agi que de grouper tous les intérêts, toutes les ambitions, autour du trône vide sur lequel l’irruption de l’Europe en armes, la dispersion des partis, la lassitude et l’épuisement de la France, avaient permis au Sénat d’inscrire le nom oublié du frère de Louis XVI ; de caresser toutes les passions et toutes les espérances, en parlant royauté et Bourbons avec les royalistes, monarchie pondérée et institutions avec les constitutionnels, conservation de grades et d’honneurs avec les généraux, maintien de places et de traitements avec les fonctionnaires de tous les ordres et de tous les rangs ; en un mot, tant qu’il n’avait fallu que séduire et tromper, M. de Talleyrand avait suffi à cette tâche. Mais à ce travail d’intrigue, bon pour les premiers jours, devait enfin succéder une action plus sérieuse : il fallait gouverner, et, pour premier soin, délivrer le territoire des sept à huit cent mille étrangers qui venaient de l’envahir, et dont la présence et les besoins désorganisaient partout l’action publique ou paralysaient les ressources de chaque localité. Où devaient s’arrêter, d’ailleurs, les limites de la France vaincue ? Quels ordres envoyer aux autorités des départements devenus français depuis 1792 ; aux garnisons de l’autre côté du Rhin et des Alpes ; aux corps de troupes encore en armes au centre et aux extrémités de l’Empire ? Administration, état militaire, finances, traités avec l’Europe victorieuse, tout était donc à réorganiser ou à faire. Ce fardeau était bien lourd pour les forces de M. de Talleyrand. En outre, la responsabilité de quelques mesures et de certaines transactions politiques déjà arrêtées dans son esprit l’effrayait. Les Bourbons devaient recueillir les bénéfices de la situation ; il résolut de leur en laisser toutes les charges. Impatients, d’ailleurs, depuis la déclaration de déchéance, d’entrer à leur tour en possession de l’influence politique et des places, les royalistes appelaient de toutes leurs forces la