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point, chez ce général, même aux premiers jours de la lutte de la France contre l’Europe, que, vers le milieu du mois d’août 1792, lorsque les hostilités étaient commencées depuis cinq mois, et que les Prussiens se trouvaient déjà au cœur de la Lorraine, il se préoccupa moins des progrès de l’invasion que du coup dont la journée du 10 août venait de frapper la Monarchie instituée par la constitution de 1791. Commandant en chef de l’armée du Nord, et chargé de protéger une de nos frontières les plus menacées, le général la Fayette fit arrêter les commissaires chargés par la Convention de recevoir son serment et celui de ses troupes, les enferma dans la citadelle de Sedan, et voulut aller relever le trône constitutionnel que la Gironde républicaine venait d’abattre. Ses soldats refusèrent de le suivre ; ils ne voulaient marcher, disaient-ils, que contre l’ennemi. Obligé de s’éloigner, il quitta son armée dans la nuit du 19 au 20 août, essaya de passer en Hollande, et fut capturé, en chemin, par un parti d’Autrichiens. Le cabinet de Vienne ne faisait aucune distinction entre les royalistes constitutionnels et les républicains ; à ses yeux, tous étaient des révolutionnaires également ennemis des trônes. Les premiers lui semblaient même les plus coupables et les plus dangereux. M. de la Fayette avait occupé parmi ceux-ci un rang considérable. L’Autriche eut pour lui des rigueurs exceptionnelles ; elle l’enferma dans la forteresse d’Olmütz. Il y languissait, depuis cinq ans, lorsque Bonaparte, vainqueur de l’Autriche, fit de la mise en liberté de l’auteur de la déclaration des droits une des conditions du traité de Campo-Formio[1]. M. de la Fayette, porté sur la liste des émigrés, ne

  1. « Il imposa cette condition à l’ennemi, sans y avoir été autorisé par le Directoire, qui n’osa pas le désavouer. Il y avait de la grandeur à sentir que la qualité de Français donnait un titre à la protection de la France, indépendamment de toutes les opinions, et que le pouvoir même qui sévissait ne devait pas permettre aux étrangers de servir son injustice. Lorsque madame de Staël, si cruellement et si obstinément exilée par lui, voyageait en Italie, quelqu’un demanda à Napoléon ce qu’il ferait si quelque prince de cette contrée faisait arrêter cette illustre proscrite à cause des opinions qui lui attiraient la défaveur du gouvernement français. « Si on arrêtait madame de Staël hors