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— 1815 —

serais obligé, pour le servir, de faire encore cent infamies[1]. » Sans doute Napoléon conservait dans l’aristocratie militaire et civile de son règne des amis dévoués, de sincères admirateurs ; mais on pouvait les compter. Il est vrai de dire que la Restauration, en 1814, avait fait le meilleur accueil à toutes les offres de service. Il n’est pas un seul des généraux de l’Empire, sollicitant une faveur, qui n’eût obtenu, souvent un plus haut grade, toujours un nouveau titre et une nouvelle décoration. Le gouvernement royal, sous ce rapport, s’était montré prodigue ; et, disons-le, il n’avait pas fait autant d’ingrats qu’on l’a prétendu : on a pu juger, par quelques-uns des documents que nous avons rapportés, du dévouement et de la chaleur des nouveaux convertis. Ce zèle devint précisément une des causes de la colère déployée par les Bourbons lors de la seconde Restauration : ils ne devaient voir dans ces démonstrations que des actes d’hypocrisie. Ces princes furent injustes. Le plus grand nombre des généraux, en 1815, ne désiraient nullement le retour de l’Empereur. Que pouvaient-ils y gagner ? La Restauration ne leur donnait-elle pas ce qu’ils désiraient le plus ardemment, des dignités, des honneurs, de gros traitements et le repos ? Tous avaient assez de vingt-cinq ans de guerre. Ce n’étaient pas les tendances monarchiques de la cour qui pouvaient les irriter. Élevés à l’école du despotisme impérial, et ne comprenant pas d’autre soumission que l’obéissance passive, ils ne voyaient, au contraire, dans les principes de liberté consacrés par la Charte, dans la publicité des séances de la Chambre des députés, et dans le droit de pétition, que des institutions anarchiques, destructives de tout gouvernement régulier. Aussi le retour de l’île d’Elbe éveilla-t-il, à la fois, chez le plus grand nombre, un sentiment de profonde stupeur et un mécontentement marqué. « Les généraux, sur toute ma route, a dit Napoléon, se montrèrent incertains et de mauvaise grâce, si même ils ne se montrèrent

  1. Benjamin Constant, Mémoires sur les Cent-Jours.