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— 1815 —

de son départ, et ignorait même l’opinion des amis sur lesquels il croyait pouvoir compter. Son retour surprit ceux-ci, et consterna la plupart des hommes que la Restauration accusa plus tard d’avoir conspiré pour l’accomplir. Sans doute, on conspirait au mois de mars 1815 ; mais le nom que le plus grand nombre des conjurés voulait substituer à celui de Louis XVIII n’était pas le nom de l’exilé de l’île d’Elbe. Qui donc attendait Napoléon sur le rivage où il débarqua ? Antibes lui ferma ses portes ; et pas un seul officier, pas un soldat, ne se joignirent à lui pendant les six premiers jours de sa marche. Où donc étaient ses complices aux lacs de Laffray ? Si le retour de l’île d’Elbe avait été le résultat d’une conjuration, on aurait connu les conjurés après le 20 mars ; ils se seraient vantés de leur complicité ; tous auraient occupé la cour et le public de leurs mérites et de leurs services ; ils en auraient hautement réclamé ou reçu le salaire. Or personne ne fit valoir le moindre titre ; le nouveau gouvernement ne décerna aucune récompense. Les Bourbons eux-mêmes, de leur côté, ne devaient rien épargner, en 1815 et en 1816, pour découvrir quelque indice de ce complot prétendu : leurs agents de tous les ordres, préfets, maires ou magistrats, se mirent vainement à l’œuvre ; pas une lettre, pas un seul témoignage, dans les nombreux procès politiques qui ensanglantèrent cette époque, ne vinrent confirmer cette accusation. Ainsi l’intérêt personnel, au lendemain du retour de l’île d’Elbe, comme la vengeance, après Waterloo, furent impuissants pour révéler le moindre fait qui pût donner créance à cette insoutenable assertion. On a cité des réunions, des entrevues entre quelques personnages attachés à l’ancien gouvernement impérial ou dévoués à la personne de son chef ; on y causait, a-t-on dit, de Napoléon et des Bourbons ; on y annonçait tout haut la chute prochaine du gouvernement royal. Cette prophétie était dans toutes les bouches à la fin de 1814 et dans les premiers mois de 1815 : ce n’était pas seulement en France, c’était encore à l’étranger que les fautes de la Restauration faisaient dire : Cela ne tiendra pas.