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— 1815 —

Ce fut vers les six heures du matin, le 20 mars, que le départ de Louis XVIII se répandit dans Paris. Une heure après, le comte Lavalette, directeur général des postes sous l’Empire, voulant connaître les nouvelles que les courriers avaient pu apporter dans la nuit, se présentait à l’hôtel de la direction. Il était sept heures du matin ; M. Ferrand ignorait encore le départ du roi. On lui annonça l’événement en même temps que la présence du comte Lavalette dans ses bureaux. Bien que ce dernier fût seul, et que, simple curieux, il se contentât d’interroger quelques employés, M. Ferrand lui fit dire qu’il allait lui céder la place. Le comte répondit qu’il n’était point venu la prendre, et qu’il se retirait. M. Ferrand se récria : « Il y avait de la cruauté, disait-il, à l’obliger de rester un instant de plus. » Dans le trouble où la peur jetait son esprit, M. Ferrand ne se bornait pas à vouloir s’éloigner sur-le-champ, il sollicitait de la courtoisie de son prédécesseur un permis de poste qui lui fournît le moyen de se rendre au plus vite, non pas auprès des maîtres qu’il avait si cruellement compromis, mais dans une terre qu’il possédait aux environs d’Orléans. Vainement M. Lavalette fit observer qu’il était sans autorité et sans titre, et que M. Ferrand pouvait et devait se délivrer à lui-même le permis ; il ne sut pas résister aux instances du ministre d’État de Louis XVIII et aux prières de la famille de ce fonctionnaire. En donnant la signature qu’on lui demandait, il écrivait, comme on le verra, son arrêt de mort ; il signa, et M. Ferrand, cet intraitable partisan de la ligne droite, partit, après avoir sollicité et obtenu la première faveur qui fut accordée, le 20 mars, au nom de Napoléon. Croyez donc à l’inflexible énergie de ces fanatiques à froid qui poussent jusqu’aux limites de l’absurde l’exagération d’une opinion ou d’un principe ! Le comte Lavalette avait dirigé les postes pendant tout l’Empire ; tous les chefs de division ou de bureau lui devaient leur position ; ces chefs, après le départ de M Ferrand, contraignirent leur ancien directeur à reprendre le service. Son premier soin fut d’expédier, dans la direction de