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— 1815 —

seul des milliers de généraux, de fonctionnaires, de volontaires et de courtisans qui, depuis trois semaines, juraient de mourir sur les marches de son trône, eût essayé même de tirer l’épée pour le défendre. Par un soin dont il faut uniquement accuser M. de Blacas, le roi, dans sa fuite, emportait une propriété publique, les joyaux et les diamants de la couronne[1].

Une heure après, le comte d’Artois et le duc de Berri, son fils, prenaient à leur tour la route de Flandre, tandis que le baron de Vitrolles, qui avait d’abord dû les suivre, partait pour le Midi, chargé de tous les pouvoirs du roi. Dans la nuit, tous les ministres et les personnages ou les hauts fonctionnaires les plus compromis, quittèrent également Paris. De ce nombre était le nouveau préfet de police Bourrienne, qui s’éloigna en laissant aux employés de l’octroi l’ordre passablement étrange de fermer les barrières à l’approche de Napoléon.

  1. La valeur des diamants enlevés s’élevait à 13,834,046 fr. 70 c. ; le Régent entrait à lui seul dans ce chiffre pour 6 millions (rapport du duc de Gaëte et du comte Mollien. — Moniteur du 29 mars 1815). L’intendant du trésor de la liste civile en avait été dessaisi par une ordonnance du 13 mars, contre-signée Blacas d’Aulps. M. de Blacas avait eu raison de s’y prendre à l’avance ; l’opération, retardée de quelques jours, n’aurait probablement pu réussir, car le départ du roi, bien que regardé comme un événement possible, ainsi que le prouve l’ordonnance du 13, fut si précipité, que Louis XVIII n’eut pas le temps d’enlever ses papiers particuliers : il laissa sur sa table de travail un portefeuille contenant sa correspondance avec la duchesse d’Angoulême depuis plusieurs années ; dans un des cartons de son bureau, toutes les dépêches de M. de Talleyrand sur le congrès de Vienne ; dans les tiroirs de plusieurs petits meubles, sa correspondance avec Louis XVI, des correspondances familières avec plusieurs dames, des rapports journaliers sur les affaires courantes, et une foule de documents qui auraient gravement compromis bon nombre de personnes, si l’Empereur n’était arrivé avec l’intention formelle de ne rien connaître de ce qui s’était passé depuis les dix derniers mois. On ne garda que les documents politiques ; tous les papiers particuliers furent brûlés. — Plusieurs personnes qui demeuraient et couchaient au château ne connurent le départ du roi que le lendemain. Pendant toute la journée du 20 mars, lorsque le roi était déjà fort loin, des fonctionnaires, des généraux, se présentèrent aux Tuileries pour faire des rapports et demander des ordres aux différents membres de la famille royale