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— 1815 —

pales autorités, la maison militaire, les détachements les plus dévoués de la garde nationale parisienne, et si on y amassait des munitions et des vivres pour plusieurs semaines. « Nous sommes dans un moment de fièvre, disait ce maréchal ; il faut le laisser passer. Une résistance de quelques jours donnera aux troupes et aux généraux le temps de se reconnaître, aux princes le moyen de rallier les nombreux volontaires ainsi que les gardes nationaux des départements, et de les amener à la défense de S. M. » Ce projet de maintenir le trône de Louis XVIII aux Tuileries, en face de Napoléon élevant son drapeau sur le Luxembourg, ne fut appuyé que par M. Lainé.

M. de Blacas écoutait toutes ces propositions sans se prononcer. Une fois, pourtant, il émit une opinion. « Je ne crois à l’efficacité d’aucune mesure militaire, dit-il ; nous n’avons de ressources que dans les moyens moraux, dans la seule force que donnent au roi son bon droit et ses vertus. Je serais d’avis, si Bonaparte parvient à s’approcher de Paris, que S. M. sortît en calèche découverte, accompagnée des membres de la Chambre des députés et de la Chambre des pairs, tous à cheval à chacune des portières, et qu’elle attendît, avec ce cortége, l’arrivée de l’usurpateur et de ses troupes. La vue du roi, ainsi entouré, arrêterait les plus audacieux : qui oserait passer ? »

Cette proposition incroyable[1] laissa tous les auditeurs silencieux. Un seul homme osa discuter l’opinion du tout-puissant favori. « Bonaparte arrivera probablement par la route de Fontainebleau, dit le baron de Vitrolles ; S. M. sortira par cette barrière : que ferez-vous si l’usurpateur, averti, entre par une barrière voisine ?

— Il faut pourtant s’arrêter à un parti, répliqua un des assistants.

— Sans doute, répondit M. de Vitrolles ; aussi serais-je d’avis que S. M. ne restât pas enfermée dans Paris, et qu’elle se

  1. Nous pouvons en garantir l’authenticité.