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mots. Ce qu’on pouvait appeler conseil, en ce moment, était la réunion fortuite des membres du gouvernement et des hauts fonctionnaires dans le cabinet de M. de Blacas. Ce cabinet, depuis la nouvelle du débarquement de l’île d’Elbe, restait constamment ouvert à tout le monde ; voilà le seul changement apporté dans les habitudes du ministre de la maison du roi et de ses collègues par le retour de Napoléon. On n’y délibérait pas, ainsi qu’on pourrait le penser : c’était un centre où se rencontraient, à tous les instants de la journée, et en plus ou moins grand nombre, les ministres, les chefs des grandes administrations, des courtisans, des généraux, qui, tous y venaient, isolément, non pour se concerter, mais pour apporter ou recueillir quelques bruits. On y causait, on y discutait, chacun s’efforçant de faire valoir un plan particulier de salut pour la Monarchie ; on faisait peu de chose au delà. « Une double procession montait et descendait les escaliers du pavillon de Flore, a dit M. de Chateaubriand ; on s’enquérait de ce qu’il y avait à faire : point de réponse. On s’adressait au capitaine des gardes ; on interrogeait les chapelains, les chantres, les aumôniers ; rien. De vaines causeries, de vains débits de nouvelles[1]. » Une foule de gens y proposaient le plus sérieusement du monde les projets les plus impraticables. Un matin, c’étaient les généraux Dessoles et Maison qui s’engageaient à tout sauver, si on les laissait conduire au-devant de Bonaparte la garde nationale et la garnison de Paris ; le premier se taisait fort du dévouement et de l’énergie de la milice parisienne ; le second prenait sur lui de faire battre les soldats : « Il ne s’agit que de savoir les conduire, disait-il ; tout dépend d’un premier coup de fusil ; en cas d’hésitation, je me charge de le tirer. » Une autre fois, le duc de Raguse, accouru de sa terre de Châtillon, répondait de l’événement, si on l’autorisait à fortifier le Louvre et les Tuileries ; si le roi consentait à s’y tenir enfermé avec les princi-

  1. Mémoires d’Outre-Tombe, t. VI.