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— 1814 —

gnataires des ordres n’étaient pas gens à s’immoler pour leur mandataire. Maubreuil, d’ailleurs, s’était montré agent infidèle : il devait délivrer les Alliés et les Bourbons de la personne de Napoléon ; au lieu de rendre ce service, il vole sur le grand chemin une parente d’Alexandre ; il expose M. de Talleyrand et le gouvernement nouveau à toute la colère du chef de la coalition, du souverain armé dont les troupes occupaient alors Paris et la majeure partie de nos provinces. Maubreuil fut impitoyablement sacrifié. On se saisit de lui, on le fouilla, puis M. Anglès le fit jeter dans un cachot. Après trois mises en liberté et trois nouvelles arrestations, comme prévenu, d’abord, de n’avoir pas fidèlement exécuté les ordres d’autorités militaires supérieures, puis, comme accusé de vol à main armée sur grande route, Maubreuil comparut enfin devant la chambre de police correctionnelle de la cour royale

    preniez ainsi mes bijoux et mon argent, et que vous m’exposiez à rester au milieu du chemin avec toute ma suite ? » Des larmes lui vinrent aux yeux. Elle demanda à parler à Maubreuil, et le supplia de lui rendre son or, s’il la privait de ses bijoux. « Madame, lui répondit ce dernier, je ne suis que l’exécuteur des ordres du gouvernement ; je dois rendre vos caisses intactes à Paris ; tout ce que je puis faire pour vous, c’est de vous donner ma ceinture, elle contient cent napoléons d’or de vingt francs. » D’après le conseil du comte de Fursteinstein, qui l’accompagnait, la princesse accepta. À la poste suivante, lorsque le comte vérifia le nombre des pièces, il n’en trouva que quarante-quatre, qui furent déposées, avec la ceinture, entre les mains du juge de paix du canton de Pont-sur-Yonne.
    Toutes les caisses ayant été chargées sur la patache, Maubreuil et Dasies donnèrent l’ordre de la faire partir par la route de Fontainebleau, sous l’escorte de quelques chasseurs. En même temps ils commandent des chevaux pour la princesse, et ordonnent de la conduire à Villeneuve-la-Guyare. Elle se récrie : elle veut accompagner jusqu’à Paris son or et ses bijoux ; Maubreuil et Dasies disent qu’ils ne peuvent pas le lui permettre. Elle demande de pouvoir au moins faire escorter ses caisses par une personne de confiance ; on le lui refuse. La patache s’éloigne avec rapidité.
    À midi, on fait remonter la princesse en voiture, et on la force de partir pour Villeneuve-la-Guyare, sous l’escorte de deux chasseurs. Après son départ, Maubreuil prescrivit au maître de poste de Fossard de ne donner de chevaux à personne dans les trois heures qui suivraient son départ ; et Dasies et lui, sortant du village dans leur calèche, rejoignirent la patache sur la route... »
    (Extrait des conclusions lues devant la cour royale de Douai, par l’avocat général Maurice, dans l’affaire Maubreuil, les 19 et 20 décembre 1817.)