Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/258

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
254
— 1815 —

virent le comte d’Artois se lever, et s’approcher du roi. Quel incident nouveau allait se produire ? L’Assemblée se tenait attentive. Le prince, après avoir salué profondément son frère, lui dit :

« Sire, je sais que je m’écarte ici des règles ordinaires en parlant devant Votre Majesté ; mais je la supplie de m’excuser, et de permettre que j’exprime ici, en mon nom et au nom de ma famille, combien nous partageons du fond du cœur les sentiments et les principes qui animent Votre Majesté. »

Après ces mots, le frère du roi, se tournant vers l’Assemblée, leva la main et s’écria :

« Nous jurons sur l’honneur de vivre et de mourir fidèles à notre roi et à la Charte constitutionnelle, qui assure le bonheur des Français. »

Tous les princes, debout, répétèrent les mots Nous le jurons ! Louis XVIII tendit alors sa main au comte d’Artois, qui la baisa, puis tous deux se jetèrent dans les bras l’un de l’autre.

Ces serments et cette scène concertée venaient trop tard. Un mois plus tôt, cet événement aurait peut-être rallié aux Bourbons, non le peuple ni les soldats, du moins une partie de la population active. Mais le 16 mars, alors que Napoléon était à quarante lieues de Paris, que pouvaient ces engagements tardifs ? On ne vit dans les paroles prononcées par le roi et par son frère qu’un cri de détresse. L’élan, d’ailleurs, était donné : les soldats entraînaient leurs officiers et les généraux ; le peuple des villes et des campagnes emportait les classes moyennes ainsi que les autorités de tous les ordres ; aucune force ne pouvait plus arrêter le torrent populaire ; le mouvement révolutionnaire, qui poussait encore une fois les Bourbons hors du territoire, était irrésistible.

La cour, pourtant, attendait beaucoup de la démarche du roi devant les deux Chambres : elle comptait surtout que l’effet en serait grand sur la garde nationale de Paris. L’avant-veille, l’ordre de rassembler cette garde avait été donné, et une réunion des officiers supérieurs de toutes les légions avait