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— 1815 —

préparé ; il y prit place, salua l’Assemblée, se couvrit, et prononça le discours suivant :

« Messieurs,

Dans ce jour de crise, où l’ennemi public a pénétré dans une portion de mon royaume et qu’il menace la liberté de tout le reste, je viens au milieu de vous pour resserrer encore les liens qui, vous unissant avec moi, font la force de l’État ; je viens, en m’adressant à vous, exposer à toute la France mes sentiments et mes vœux.

J’ai revu ma patrie ; je l’ai réconciliée avec toutes les puissances étrangères, qui seront, n’en doutez pas, fidèles aux traités qui nous ont rendu la paix. J’ai travaillé au bonheur de mon peuple ; j’ai recueilli, je recueille tous les jours les marques les plus touchantes de son amour. Pourrais-je, à soixante ans, mieux terminer ma carrière qu’en mourant pour sa défense ?

Je ne crains donc rien pour moi, mais je crains pour la France. Celui qui vient allumer parmi nous les torches de la guerre civile y apporte aussi le fléau de la guerre étrangère ; il vient remettre notre patrie sous son joug de fer ; il vient enfin détruire cette Charte constitutionnelle que je vous ai donnée ; cette Charte, mon plus beau titre aux yeux de la postérité ; cette Charte que tous les Français chérissent et que je jure ici de maintenir.

Rallions-nous donc autour d’elle ! qu’elle soit notre étendard sacré ! Les descendants de Henri IV s’y rangeront les premiers ; ils seront suivis de tous les bons Français. Enfin, messieurs, que le concours des deux Chambres donne à l’autorité toute la force qui lui est nécessaire, et cette guerre vraiment nationale prouvera, par son heureuse issue, ce que peut un grand peuple uni par l’amour de son roi et de la loi fondamentale de l’État. »

Les assemblées nombreuses sont faciles aux émotions ; l’imprévu surtout les exalte ; la démarche et le langage si nouveau du roi remuèrent donc profondément tous les auditeurs. Le plus grand nombre des pairs et des députés se levèrent ; et, debout, les mains étendues vers le monarque, ils poussaient les acclamations les plus passionnées. On distinguait ces cris : Vive le roi ! Mourir pour le roi ! Le roi à la vie et à la mort ! Promesses vaines, et qui ne devaient pas survivre à l’émotion du moment ! Les deux Chambres étaient encore sous l’impression de cet appel et de ce serment inattendus, lorsqu’elles