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— 1815 —

Le but de ce complot est resté longtemps fort obscur. La plupart des écrivains, trompés par sa coïncidence avec le débarquement de l’île d’Elbe, ont vu dans cette levée de boucliers une tentative de diversion en faveur de Napoléon. Au reste, Napoléon lui-même partagea d’abord l’erreur commune, et Fouché, comme on le verra, devait se faire auprès de lui un mérite de ce mouvement, qu’il avait organisé au profit du duc d’Orléans, et dont il venait de précipiter l’explosion, moins dans le but de servir l’Empereur que de compliquer la situation, de brouiller les cartes, ainsi que lui-même l’a dit depuis, et surtout de faire naître quelque incident utile à son influence[1].

Le 14, la Chambre des députés adopta le projet de loi présenté la veille, mais avec l’addition suivante : « Le dépôt de la Charte constitutionnelle et de la liberté publique est confié à la fidélité et au courage de l’armée, des gardes nationales et de tous les citoyens. » Dans cette séance, le ministre de l’intérieur soumit à l’adoption de l’Assemblée une mesure destinée à donner satisfaction à deux des griefs de l’armée. Le nouveau projet de loi stipulait que les arrérages des pensions de la Légion d’honneur seraient payés en entier, sur le pied de 1813, à tous les militaires membres de l’ordre, quels que

  1. On lit dans les Révélations publiées en 1830 par M. Morin, ancien chef de la première division de la police générale sous la Restauration : « Une vaste et puissante conjuration, que j’appellerai civile, absolument étrangère à Bonaparte, et qui avait même pour objet de lui fermer l’entrée de la France, se tramait contre la famille royale. Cette conspiration était conduite par Fouché. Ses détails me furent dévoilés, ainsi que les mouvements des corps militaires marchant sur Paris. On me fit connaître les noms des personnes qui devaient s’emparer temporairement de l’autorité. Le succès de cette révolution audacieuse paraissait si sûr, qu’on ne m’imposa pas même l’obligation d’en faire un mystère. Je pensai donc pouvoir en conférer avec M. Dandré, directeur général de la police. Il reçut de moi cet avis avec un grand air d’insouciance et le négligea entièrement... Depuis, M. Dandré, à qui j’ai cru pouvoir reprocher son inertie, sa faiblesse, s’en est excusé en m’expliquant que, seulement directeur de cette partie, il n’avait pas l’entrée du conseil, et que ses derniers rapports, adressés au roi sous le couvert de M. de Blacas, avaient été retrouvés tous, sans même avoir été décachetés. (Pages 78 et 79.)