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— 1815 —

tin, et était venu coucher à la Fère. Le lendemain, il voulut pénétrer dans l’arsenal mais le général d’Aboville, qui y commandait, opposa une résistance à laquelle Desnouettes et les frères Lallemand, alors réunis, ne s’attendaient pas. Trop faibles ou trop ébranlés pour tenter une attaque à force ouverte, ils prirent le chemin de Noyon, où devaient les rejoindre, disaient-ils à leurs officiers, 12 à 15,000 hommes de troupes mis en mouvement par le comte d’Erlon. Quand ils arrivèrent, pas un seul détachement de ces troupes n’avait paru. Les frères Lallemand voulurent attendre. Lefebvre-Desnouettes leur laissa une partie de ses chasseurs royaux et continua sa route sur Compiègne avec deux escadrons ; il venait d’entrer dans cette ville, et se disposait à enlever le 6e de chasseurs, dont les soldats, à cheval dans la cour de leur caserne, se tenaient prêts à le suivre, quand il fut rejoint, d’abord par le commandant Brice, ensuite par les deux frères Lallemand, qui lui remirent quelques lignes écrites par le comte d’Erlon, et dans lesquelles ce dernier annonçait l’arrivée inattendue du duc de Trévise, le mouvement rétrograde de ses troupes, ainsi que sa propre arrestation. Lefebvre-Desnouettes, abandonné à ses seules forces, n’osa s’aventurer plus loin, et, laissant au lieutenant-colonel Lyons le commandement de ses chasseurs royaux, il s’enfuit à travers la campagne avec les frères Lallemand. Le lendemain 12, ces deux derniers furent arrêtés près de la Ferté-Milon ; la journée du 20 mars les sauva.

La garnison de la Fère avait résisté comme celle d’Antibes ; les officiers des garnisons de Lille et de Cambrai, une fois rentrés dans leurs casernes, s’étaient empressés d’envoyer au gouvernement des Adresses où ils accusaient, en termes indignés, la trahison de leurs chefs, et protestaient avec chaleur de leur dévouement à la cause royale. C’était pour ces témoignages de douteuse fidélité que les ministres, dans ces jours d’universel abandon, sollicitaient des éloges et des récompenses.