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— 1814 —

ayant depuis quelques jours le titre d’inspecteur du mobilier de la couronne. Les deux autres, emportées par Maubreuil dans la chambre la plus retirée d’un obscur hôtel garni de Versailles, ne furent rendues qu’à trois jours de là, mais à peu près vides. Les sacs contenant les 84,000 francs ne renfermaient plus que des rouleaux de pièces de 1 franc, de 50 et de 10 centimes. Les diamants avaient complétement disparu[1].

La princesse Catherine était cousine germaine de l’empereur de Russie et voyageait sous la protection d’un passe-port signé par ce monarque et par l’empereur d’Autriche. Le premier usage qu’elle fit de sa liberté fut d’écrire à son parent et de lui dénoncer, en termes indignés, l’outrage et le vol qu’elle venait de subir. Alexandre, violemment irrité, exigea une réparation éclatante. M. de Talleyrand et les autres si-

  1. « Maubreuil mit les clefs dans la poche droite de son pantalon... En attendant le second détachement de troupes qu’il avait demandé à Montereau, il se mit à déjeuner avec Dasies dans une chambre de l’auberge au rez-de-chaussée. La princesse refuse d’y entrer ; elle reste dans la cour, où une femme lui apporte une chaise pour s’asseoir. Entre neuf et dix heures, pendant le déjeuner, un lieutenant arrive de Montereau avec douze hommes, mameluks et chasseurs. On dit à ces militaires que la princesse venait d’être arrêtée parce qu’elle emportait les diamants de la couronne. On place quatre factionnaires pour empêcher les voyageurs d’approcher de l’auberge ; cependant des marchands, venant de Sens, y pénétrèrent avec une patache ou voiture d’osier, couverte en toile et conduite par deux chevaux. Maubreuil mit le tout en réquisition, et, se rendant avec Dasies dans l’écurie, ordonna de charger toutes les caisses sur la patache. La princesse dit alors à Maubreuil, qu’elle reconnut pour un de ses anciens écuyers : « Quand on a mangé le pain des gens, on ne se charge pas d’une pareille mission ; ce que vous faites est abominable. — Je ne suis que le commandant de la force armée, répondit Maubreuil ; parlez au commissaire, je ferai tout ce qu’il ordonnera.
    Elle s’adressa à Dasies : « Vous me dépouillez de tout ce qui m’appartient, lui dit-elle ; le roi n’a jamais donné de pareils ordres ; je vous jure, sur mon honneur et foi de reine, que je n’ai rien à la couronne de France. — Nous prenez-vous pour des voleurs ? répond Dasies ; je vais vous montrer que nous avons des ordres ; toutes ces caisses vont partir. » En ce moment il aperçoit, sur la chaise de la princesse, un sac renfermant une petite caisse carrée extrêmement lourde et entourée de rubans de fil. La princesse déclare que cette caisse renferme son or. Maubreuil et Dasies se retirent comme pour délibérer. Ils se rapprochent, et ordonnent au commandant des mameluks d’emporter cette caisse avec les autres. « Est-il possible, s’écrie la princesse, que vous