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— 1815 —

pouvoir absolu et pour la dictature, une ardeur dont les emportements dépassaient en exagération les passions monarchiques des émigrés les plus aveugles et de M. de Blacas lui-même. Adversaire intraitable de toute mesure légale ou constitutionnelle, le duc de Dalmatie avait combattu la convocation des Chambres comme une ressource insuffisante et un embarras. Le gouvernement, disait-il, devait uniquement recourir à des moyens de force. Or cette force, c’était lui qui en disposait, et sur tous les points on la voyait se tourner contre le gouvernement. Ce n’est pas tout : les façons despotiques du maréchal et ses mesures de royalisme exclusif avaient profondément irrité l’armée ; comme ministre de la guerre, il avait, en outre, signé les ordres qui venaient de placer sur les routes de la Provence et du Dauphiné les régiments que Napoléon entraînait après lui. On rapprocha tous ces faits, et on vit dans leur réunion la preuve d’une trahison longuement préméditée. Dans la logique des courtisans, le maréchal n’avait blessé l’armée qu’en vue de rendre les Bourbons odieux ; il n’avait déplacé les régiments passés à Napoléon que dans l’intérêt du complot ourdi par lui en faveur de son ancien maître ; enfin, son exaltation royaliste n’était qu’un masque dont il recouvrait ses desseins. Ces déductions furent acceptées comme une véritable découverte ; on crut avoir enfin le mot du retour de Napoléon et de sa marche si rapide. Le 11 mars, le duc de Dalmatie fut destitué, et le comte de Blacas donna le portefeuille de la guerre au duc de Feltre.

La destitution du maréchal Soult fut applaudie par le public comme un juste salaire de ses complaisances sans bornes pour la cour et pour l’émigration. Sa défense de Toulouse avait fait de lui, aux premiers jours de la Restauration, le plus populaire des lieutenants de l’Empereur ; après quatre mois de ministère, il en était le plus détesté. Les Bourbons, assurément, pouvaient lui reprocher une partie de l’impopularité qui pesait sur eux ; mais son inintelligence politique et sa honteuse servilité étaient ses seuls torts envers ces princes : il n’avait trahi que les