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— 1815 —

France, dit l’Empereur en interrompant le maréchal. J’ai su que la patrie était malheureuse, et je suis venu pour la délivrer des émigrés et des Bourbons ; je lui rendrai tout ce qu’elle attend de moi. » L’Empereur interrogea ensuite le maréchal sur la composition et la force de son corps d’armée et sur l’esprit des généraux qui le commandaient ; puis, après l’avoir engagé à écrire à Paris pour que les patriotes s’abstinssent de toute collision, il le congédia en lui disant : « Il faut que notre triomphe soit pur comme la cause que nous servons[1]. »

Le lendemain 19, l’Empereur, sans autre escorte que les colonels Germanowski et Duchand, le chef d’escadron Raoul et trois ou quatre lanciers polonais galopant aux portières de sa voiture, traversait Joigny et s’arrêtait à Sens. Le 20, à quatre heures du matin, il arrivait à Fontainebleau. Il y avait onze mois, jour pour jour, qu’il avait quitté cette résidence.

Il n’avait fallu rien de moins que les événements de Lyon pour convaincre le gouvernement royal que la marche de Napoléon sur Paris ne serait pas arrêtée par de simples patrouilles ou par quelques pelotons de gendarmerie. La cour était surprise et irritée, tout à la fois, de ce succès ; elle n’y comprenait rien. « C’est un complot, avait dit le roi. — C’est une conspiration, » répétaient les courtisans. Toute conspiration a des chefs : où trouver les auteurs de celle-ci ? Les saisir était difficile ; car le complot existait partout, et chaque soldat, chaque paysan, pour ainsi dire, sans autre entente et sans autre lien que le mécontentement commun, en étaient les complices. Pendant plusieurs jours, les colères de la cour s’agitèrent donc dans le vide ; enfin, on crut avoir découvert le principal coupable.

De tous les membres du gouvernement, le ministre de la guerre était celui qui proposait les remèdes les plus violents. Soit conviction puisée dans ses habitudes de soldat, soit désir de mieux faire sa cour, le maréchal Soult affectait, pour le

  1. Mémoires de M. Fleury de Chaboulon.