Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
239
— 1815 —

très-chère et bien-aimée épouse, et à celui de notre cher et bien-aimé fils. »

Tous ces décrets, datés du 13 avril, étaient contre-signés par le grand maréchal du palais Bertrand, faisant les fonctions de major général de la Grande Armée. Napoléon, comme on le voit, ne tenait plus compte des Bourbons ; il venait de saisir l’Empire et la dictature. Son langage se ressentait déjà de cette différence de situation. À Gap, à Grenoble, ses proclamations donnaient aux habitants de ces villes le titre de citoyens. À Lyon, cette qualification faisait place à celles-ci, plus conformes à l’ancien formulaire impérial : habitants de la ville de Lyon, Lyonnais. Malgré ce changement, quelques-uns de ces décrets présentaient, dans le fond comme dans la forme, un caractère ouvertement révolutionnaire que l’Empereur leur avait volontairement donné à la suite de nouvelles qu’il venait de recevoir : le congrès de Vienne, qu’il croyait dissous lors de son départ de l’île d’Elbe, était encore assemblé. Prévoyant, dès lors, une coalition nouvelle, et, par suite, la nécessité d’une résistance à une seconde invasion, Napoléon voulait réveiller dans la nation l’énergie qu’elle avait déployée contre l’Europe vingt-trois ans auparavant. Dans ce but, il n’hésitait pas à faire appel à la passion démocratique des masses et à ces sentiments de liberté qu’il avait comprimés si violemment pendant tout son règne, et dont l’énergique appui avait manqué, l’année précédente, à sa lutte contre les coalisés.

Ce fut le 13, dans la matinée, que l’Empereur quitta Lyon ; à trois heures, il entrait à Villefranche, petite ville de 4,000 âmes, qui en renfermait alors plus de 60,000. À sept heures du soir, il arriva à Mâcon, précédé et suivi de toute la population des campagnes voisines. Sur toute cette route, les habitants d’un canton ne le quittaient qu’après l’avoir laissé aux mains des habitants du canton qu’il allait traverser. Il témoigna aux Mâconnais son étonnement du peu de résistance qu’ils avaient présenté, l’année précédente, aux efforts de l’ennemi. « Sire, lui dirent les habitants, pourquoi nous aviez-vous donné pour