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— 1815 —

on distribua quelque argent aux soldats ; les officiers reçurent les plus magnifiques promesses. Vains efforts ! l’attitude de la troupe était contrainte, silencieuse ; la garde nationale, infanterie, se montrait elle-même sans enthousiasme ; seuls, les gardes nationaux à cheval déployaient une grande chaleur de dévouement. Le maréchal Macdonald arriva le 10 au matin, pendant que le frère de Louis XVIII et le premier prince du sang passaient une nouvelle revue, place Bellecour ; avant d’aller les rejoindre, le maréchal visita les abords de la ville sur la route de Grenoble ; il trouva les ponts Morand et de la Guillotière barricadés et gardés seulement par quelques soldats ; toutes les troupes étaient en ce moment devant les princes : le duc de Tarente se rendit à son tour près de ceux-ci. Les soldats, dans cette revue, s’étaient montrés encore plus froids que la veille ; quelques incidents du plus fâcheux augure venaient même de se manifester. En passant devant le front du 13e dragons, le comte d’Artois, ayant aperçu un sous-officier décoré de plusieurs chevrons, s’était approché et lui avait dit : « Allons, camarade, crie Vive le roi ! — Non, Monsieur, cela ne m’est pas possible, avait répondu le dragon ; et, si je criais quelque chose, ce serait Vive l’Empereur ! »

Le maréchal parut sur la place au moment où les princes, découragés, inquiets même pour leur sûreté personnelle, concertaient déjà leur départ : il combattit cette résolution, et donna aux troupes l’ordre de se rapprocher du Rhône et de couper les deux ponts. Les régiments obéirent. Mais, quand les sapeurs voulurent se mettre à l’œuvre, douze à quinze mille ouvriers qui, depuis le matin, n’avaient pas cessé d’entourer les soldats, et que ceux-ci laissaient même pénétrer dans leurs rangs, déclarèrent qu’ils ne souffriraient pas qu’on donnât un seul coup de hache. On dut se borner à renforcer les barricades déjà construites et à faire prendre position, en arrière de ces retranchements, à deux bataillons chargés de les protéger. Ces bataillons n’avaient pas encore accompli leur mouvement, lorsque des hussards du 4e, formant l’avant-garde des