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— 1815 —

Le lendemain 6, une seconde dépêche annonça que Napoléon s’avançait positivement par Digne et Gap sur Grenoble et sur Lyon. L’assurance de la veille faiblit un peu. Louis XVIII lui-même, sans montrer précisément de l’inquiétude, commençait à soupçonner la gravité de l’événement. M. de Blacas, en revanche, n’était pas ébranlé ; sa confiance restait absolue ; il s’efforçait de la faire partager à son maître. « Le retour de Bonaparte n’a sans doute rien de grave, répondait le roi. Je crois comme vous que c’est une folie ; mais, enfin, ce n’est pas un événement ordinaire, il y a quelque chose derrière : certainement c’est un complot. » Les Bourbons avaient conspiré pendant vingt-cinq ans ; ils croyaient facilement aux complots. Pour eux, d’ailleurs, il n’existait pas de volonté nationale ; et la population, dépourvue d’initiative, soumise toujours à l’influence de quelques hommes, n’agissait que comme instrument dans tous les événements politiques. Dans leur conviction sincère comme dans celle de leur parti, tous les changements arrivés depuis 1789, de même que les révolutions qui pourraient encore survenir, n’étaient et ne pouvaient être que d’heureuses conspirations.

Ce fut seulement le 6 mars, après l’arrivée de la seconde dépêche, que, dans une réunion chez M. de Blacas, les ministres décidèrent la convocation des Chambres, et arrêtèrent les termes de la proclamation destinée à annoncer et à motiver cette mesure, ainsi que les dispositions de l’ordonnance relative à la poursuite et à la mise en jugement de Napoléon. Nous avons reproduit ces documents. On sait que les journaux annonçaient en même temps le départ du comte d’Artois pour Lyon. Ce prince avait en effet quitté Paris dans la nuit ; le duc d’Orléans ne devait pas tarder à le rejoindre.

Ni la cour, ni les ministres, nous l’avons dit, ne savaient rien des deux ou trois conjurations, toutes publiques, où le nom du duc d’Orléans jouait un rôle si important ; toutefois, le passé de ce prince, sa position et son attitude exceptionnelles au milieu de la famille royale, avaient instinctivement