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— 1814 —

nature de M. de Talleyrand semble repousser une pareille négociation, les théories de ce personnage, en matière de gouvernement, donnent pourtant au récit de Maubreuil une grande apparence de vérité. Dépourvu de principes, indifférent à toute morale, M. de Talleyrand était singulièrement facile à tous les expédients commandés par l’intérêt ou par la nécessité politiques. Les gouvernements, selon lui, pouvaient commettre des fautes, jamais des crimes. Il avait mis cette doctrine au service de Napoléon premier consul et empereur, en l’excitant au jugement et à l’exécution du duc d’Enghien, et en insistant auprès de lui à différentes reprises, ainsi qu’on l’a vu, pour qu’il se défît des autres membres de la famille royale. M. de Talleyrand ne pouvait se montrer plus scrupuleux à l’égard de l’Empereur lui-même, maintenant qu’il était vaincu et tombé. La mort de Napoléon, à ce moment, simplifiait trop favorablement la situation, pour que les avantages de cet événement ne se soient pas présentés à son esprit, pour qu’il ne l’ait pas désiré, et pour supposer qu’il ait pu hésiter un seul instant à encourager, au moins par signes, l’homme qui se chargeait de rendre ce service à l’Europe victorieuse, et à ces mêmes Bourbons dont il conseillait naguère la complète destruction.

Quoi qu’il en soit, Maubreuil s’occupa de recruter des complices. Mais, le lendemain et les jours suivants, soit que l’abdication de l’Empereur et la défection du 6e corps eussent en partie rempli les vues de M. de Talleyrand, soit qu’il fût absorbé dans d’autres soins, son secrétaire cessa de presser Maubreuil avec la même vivacité. De son côté, ce dernier, hésitant sans doute devant les dangers de l’entreprise, ne montrait nulle impatience d’en finir. On arriva ainsi au 12 avril. La publication de l’arrêté du 9, la mission donnée à M. Dudon et le succès qui l’avait couronnée, le bruit alors répandu dans plusieurs salons royalistes que les fourgons enlevés à Orléans contenaient une partie seulement des millions partagés entre les membres de la famille impériale, exaltèrent de nouveau les passions cupides de Maubreuil. Ancien écuyer