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— 1814 —

la face des événements ; nous avons raconté, à cette occasion, que M. de Talleyrand, pour conjurer le péril, avait essayé de recourir au meurtre et à la défection. On sait comment la défection fut accomplie. Quant au meurtre, l’exécution en fut confiée à un homme que ses passions fougueuses et ses affaires embarrassées portaient à oser beaucoup, à Marie-Armand de Guerry, comte de Maubreuil, marquis d’Orvault, celui-là même que l’on avait vu, au milieu des démonstrations royalistes du 31 mars, attacher sa croix de la Légion d’honneur à la queue de son cheval. Le père de Maubreuil, marié en secondes noces à une sœur de MM. de la Rochejaquelein, était mort dans les guerres de la Vendée avec quinze ou vingt membres de sa famille.

Maubreuil était depuis longtemps en rapport intime avec M. Roux-Laborie, avocat, nommé, le soir du 31 mars, l’un des deux secrétaires du gouvernement provisoire. Ils se voyaient presque chaque jour, dans l’intérêt de nous ne savons quelles spéculations de bourse ou de commerce. Le soir du 1er avril, Maubreuil, en rentrant chez lui, trouva plusieurs billets de Roux-Laborie, ainsi conçus : Pourquoi n’êtes vous pas venu ? Je vous ai attendu toute la journée. Vous me désespérez ! Le lendemain 2 avril, de bonne heure, Maubreuil était à l’hôtel Saint-Florentin. Roux-Laborie le fit entrer dans le cabinet même de M. de Talleyrand, le fit asseoir dans le fauteuil du prince, et lui dit : « Vous êtes impatient de retrouver votre position, de refaire votre fortune perdue. Il dépend de vous d’obtenir encore au delà de ce que vous pouvez désirer. — Que me faut-il faire ? — Vous avez du courage, de la résolution, débarrassez-nous de l’Empereur. Lui mort, la France, l’armée, tout est à nous, et l’on vous donne 200,000 livres de rente, on vous fait duc, lieutenant général et gouverneur d’une province. — Je ne vois pas trop comment je pourrais réussir. — Il est impossible que, d’ici à deux jours, il n’y ait pas une grande bataille. Prenez cent hommes déterminés à qui vous ferez donner des uniformes de la garde. Mêlez-vous