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— 1814 —

basse, au nom du gouvernement, sur toutes les autres valeurs. Rien n’échappa à la rapacité de son zèle. Le mandataire du gouvernement provisoire put envoyer à MM. de Talleyrand, de Dalberg, de Jaucourt, de Montesquiou et Beurnonville, jusqu’à l’argenterie et à la vaisselle de Marie-Louise, jusqu’au linge et aux habits de Napoléon. Fille d’empereur, femme d’empereur, mère d’un enfant-roi ; souveraine, il y avait à peine quelques heures, de cinquante millions de sujets ; saluée par de nombreuses salves d’artillerie et par le son de toutes les cloches à son entrée dans Orléans, où elle venait d’arriver encore entourée de toutes les richesses, de tout le luxe de la cour la plus splendide de l’Europe, Marie-Louise d’Autriche, assure-t-on, en fut réduite, lorsque M. Dudon eut passé, à emprunter, pour le service de sa table, quelques couverts et un peu de faïence à l’évêque, son hôte[1]. On évalue à douze ou quinze millions les sommes contenues dans les caisses du trésor particulier. La valeur des autres objets n’a pas été indiquée. Cette ressource, produit d’un véritable vol, devait pourvoir, durant une ou deux semaines, aux nécessités occultes de l’étrange gouvernement installé à l’entre-sol de l’hôtel Saint-Florentin.

C’est à cet arrêté du 9 avril et à ses dispositions spoliatrices que se rattache un épisode qui a fait trop grand bruit pour ne pas mériter quelques détails.

On a vu dans le précédent volume que, durant les quatre premiers jours qui suivirent l’entrée des Alliés dans Paris, Napoléon, campé à Fontainebleau à la tête de son armée, pouvait d’un moment à l’autre fondre sur la capitale et changer

  1. Mémoires du duc de Rovigo, t. VII. Savary ajoute : « On eut recours à un officier de gendarmerie d’élite, M. Janin, de Chambéry, aujourd’hui officier général, qui était commis à l’escorte de cet argent. Ce jeune homme, voyant un moyen de faire sa fortune, se donna à M. Dudon. Il rassembla son détachement, fit enlever d’autorité les caissons qui contenaient encore le trésor de l’empereur Napoléon, car on ne l’avait pas encore déchargé, et se mit en route pour Paris, où il arriva sans coup férir... C’est ainsi que le trésor fut enlevé. »