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que nous venons de rapporter, peut donner la mesure de l’habileté trop longtemps vantée du célèbre diplomate, que des historiographes gagés ont osé présenter comme le régulateur suprême du congrès.

Quand nous parlons du prince de Bénévent, nous ne séparons pas de lui les trois autres plénipotentiaires, espèces de comparses qui l’accompagnaient uniquement pour faire nombre. Nous devons cependant donner une place à part au comte Alexis de Noailles, dont l’activité turbulente, l’ardeur monarchique et religieuse, se consumaient dans d’infatigables efforts pour la résurrection du vieil ordre de Malte. La ferveur dévote de cet étrange diplomate ne s’arrêtait pas là. Si, au congrès, l’ancien évêque d’Autun consacrait une partie de son temps à fournir Louis XVIII de prose libertine, le colonel Alexis de Noailles, dans ses heures de loisir, composait des sermons[1].

Ce n’est qu’au mois de juin suivant que le congrès devait

    noir ; l’empereur d’Autriche s’était montré en costume hongrois, avec une magnifique pelisse ; le roi Maximilien de Bavière avait un costume de colonel qu’il portait au service de Napoléon. La rotondité colossale du roi de Wurtemberg le désignait à tous les yeux, malgré un vaste domino tout brillant d’or ; ce prince avait longtemps causé avec la duchesse d’Oldenbourg, sœur de l’empereur de Russie, qu’il aimait, et qui s’était cachée sous l’humble costume de grisette. Le roi de Danemark, que sa grosse gaieté avait fait surnommer le loustic de la brigade royale, s’était longtemps entretenu avec M. de Metternich. Le prince Eugène de Beauharnais avait surtout attiré l’attention de M. de Talleyrand, qui, épiant attentivement toutes ses démarches dans ce bal, avait remarqué que le fils de Joséphine était l’objet des vives amitiés de l’empereur Alexandre, ce qui inquiétait notre plénipotentiaire. »
    Cet excellent roi de Danemark, à qui le congrès enlevait la moitié de ses États pour payer les services parricides de Bernadotte, conserva sa gaieté jusqu’au dernier jour. « Vous emportez tous les cœurs, lui dit Alexandre lorsque le roi lui annonça son retour à Copenhague. — C’est possible, répondit ce dernier ; mais un fait plus certain, c’est que je n’emporte pas une âme, » ajouta-t-il en faisant allusion à ce partage de populations qui faisait le principal objet des débats du congrès. (Note imprimée en 1844, date de la première publication de ce volume.)

  1. La commémoration du 21 janvier (anniversaire de la mort de Louis XVI) fut célébrée à Vienne, dans l’Église cathédrale de Saint-Étienne, en présence des empereurs d’Autriche et de Russie, des rois de Bavière et de Danemark, et d’une foule d’étrangers de marque. Il y eut sermon ; ce sermon, composé par