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— 1815 —

menace pour leurs propres souverainetés, le ministre autrichien déclara ne pouvoir rien céder.

Une rupture devenait imminente : chacun dut se préparer à la lutte. L’Autriche concentra de nombreux corps de troupes en Moravie ; la Prusse donna des ordres pour rassembler les siennes ; Alexandre, qui occupait et gouvernait déjà la Pologne, se mit en mesure d’y réunir trois cent mille soldats ; son frère, le grand-duc Constantin, adressa, le 11 décembre aux Polonais, une proclamation où il les invitait à s’unir pour la défense de leur existence politique, et M. de Nesselrode fut autorisé à déclarer au congrès que huit millions d’hommes (les Polonais) allaient s’armer pour leur indépendance.

Des notes, cependant, étaient encore échangées. Alexandre hésitait à jeter l’Europe dans de nouvelles convulsions. Le 31 décembre, M. de Nesselrode annonça que son maître consentait à abandonner plusieurs districts de la Pologne à la Prusse et à l’Autriche ; à déclarer Cracovie ville libre ; à doter d’une constitution les provinces polonaises qui lui seraient laissées, et à joindre à ces provinces, s’il en était besoin, quelques-uns des territoires cédés à la Russie par le premier partage de 1772. En d’autres termes, Alexandre ne proposait rien de moins que de reconstituer, comme une annexe de son empire, l’ancien royaume de Pologne, moins les districts qu’il consentait à abandonner à l’Autriche et à la Prusse. Cette dernière puissance, tant que la possession de la Saxe ne lui était pas positivement assurée, pouvait difficilement accéder à cette proposition, qui lui faisait perdre, sans obtenir d’indemnité, son ancien grand-duché de Varsovie. Elle avait d’ailleurs à craindre, ainsi que le cabinet autrichien, de voir cette reconstitution de l’ancienne puissance polonaise devenir, pour les districts polonais laissés en ses mains, un centre d’attraction qui finirait par absorber ceux-ci. Les cours de Vienne et de Berlin, cette fois, se trouvèrent donc d’accord pour repousser la demande de la Russie ; elles furent appuyées par lord Castlereagh et par M. de Talleyrand.