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— 1815 —

jour même où la protestation de Frédéric-Auguste fut déposée sur le bureau de cette assemblée, un des ministres du Tzar, le baron de Stein, transmit au prince Wolkonski-Repnin l’ordre de remettre la Saxe à la Prusse ; le surlendemain, 6 novembre, la capitale et toutes les forteresses saxonnes se trouvaient aux mains des autorités et des troupes prussiennes.

Cet acte de violence et d’audace émut toute l’Allemagne et irrita vivement l’Autriche. Il était difficile, en effet, que cette cour consentît à substituer ainsi sur ses frontières une puissance de premier ordre à un État sans influence, sans force, et qu’elle se résignât à voir les provinces de la Prusse longer les siennes de la Bavière à la Pologne, tandis que l’intime alliée du cabinet de Berlin, la Russie, prolongerait, de son côté, le territoire autrichien depuis la Silésie jusqu’à l’empire turc ; l’Autriche menaça d’agir à son tour.

Pendant les trois semaines qui suivirent cette menace, le congrès ne présenta que trouble et confusion. Des conférences entre les représentants des différents États avaient journellement lieu, en dehors des réunions officielles, pour essayer de concilier toutes ces prétentions rivales. L’Autriche n’était pas moins opposée aux projets d’Alexandre sur la Pologne qu’aux projets du roi de Prusse sur la Saxe ; le Tzar essaya de rendre le cabinet de Vienne plus facile à ses vues personnelles, en déclarant, dans les derniers jours de novembre, « qu’il consentait à ne pas incorporer à son empire les deux villes de Thorn et de Cracovie, à la condition qu’elles jouiraient, sous la protection de toutes les puissances alliées, de la même indépendance que les villes anséatiques. » Puis il terminait en demandant, pour la Prusse, la cession de toute la Saxe. Le roi de Prusse, de son côté, appuyant la déclaration du Tzar, proposa, le 2 décembre, de rendre inoffensive la possession de Thorn et de Dantzick en rasant leurs fortifications, et d’établir sur des bases solides la future constitution de la Pologne. Il parlait ici pour son allié ; quant à ses propres prétentions, ce souverain