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en substance : « que la position de son pays l’avait seule empêché de se déclarer contre la France ; que le but de la guerre ayant été le maintien des trônes légitimes, il aurait dû s’attendre à la restitution de l’héritage de ses ancêtres ; qu’en conséquence, il protestait contre toute dépossession de ses États, et qu’en aucun temps il ne consentirait à les céder ou à les échanger. »

Mais, tandis que toutes ces déclarations avaient lieu, et qu’elles étaient, au dedans comme au dehors du congrès, l’objet des discussions les plus animées, la Prusse et la Russie, résolues d’agir, prenaient un parti qui devait singulièrement compliquer la situation.

Cette question de la Saxe avait plusieurs faces. Non-seulement elle intéressait l’indépendance des peuples et des couronnes, le droit public de l’Europe et l’équilibre politique du continent ; non-seulement elle importait particulièrement à l’Autriche comme question d’influence sur l’Allemagne et comme question de frontières, mais elle se trouvait intimement liée aux projets de la Russie sur la Pologne.

Les traités de partage de 1772 et de 1795 avaient donné à la Prusse une notable partie de ce royaume, entre autres le grand-duché de Varsovie. Dépouillée de ce duché, par Napoléon, en 1807, au profit de la Saxe, la Prusse était, pour ainsi dire, seule en droit de le réclamer, puisque seule, de toutes les puissances contractantes, elle l’avait possédé ; cependant elle consentait à voir rester aux mains de la Russie cette partie considérable de ses anciennes provinces polonaises, pourvu que la Saxe devînt le prix de son sacrifice. Alexandre avait donc un intérêt trop direct, trop puissant, à assurer cette indemnité au cabinet de Berlin, pour ne pas appuyer énergiquement les prétentions des Prussiens sur la Saxe. Irrité de l’opposition que la cession de ce royaume à la Prusse rencontrait parmi les autres cours, il résolut de devancer et de contraindre la décision du congrès : c’étaient ses troupes et ses généraux qui occupaient le royaume contesté ; le