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— 1814 —

la chambre à coucher et du salon d’Alexandre. Les adhésions dont nous venons de parler, véritables pétitions pour la plupart, remplissent toutes les colonnes du Moniteur de cette époque ; nous en citerons deux. L’adhésion de M. de Ségur, colonel du 3e régiment de gardes d’honneur, était ainsi conçue :

« J’offre aujourd’hui mes seize cents gardes et moi au successeur, au descendant des rois de mes pères.

Je lui jure fidélité au nom de mes officiers, de tous mes gardes, et en mon nom, qui répond de mes serments. »

Puis, on lit dans une lettre adressée au prince de Bénévent par le général Moreau, celui-là même qui, en rendant au général Wittzingerode la place forte de Soissons sans tirer un coup de fusil, avait sauvé l’armée de Blücher d’une destruction totale et fait avorter une des plus belles et des plus décisives combinaisons de Napoléon :

« J’ai l’honneur de prier Votre Altesse Sérénissime de vouloir bien présenter au gouvernement l’offre de mes services pour la cause de S. M. Louis-Stanislas-Xavier, et me classer dans le travail des officiers généraux qui lui sont les plus dévoués. »

Toutes les autres adhésions étaient dans le même esprit et dans le même style. Le dévouement débordait à chaque ligne. M. de Talleyrand et ses collègues n’avaient donc pas besoin d’une bien grande habileté pour donner aux Bourbons la foule des fonctionnaires et des hommes titrés, il leur suffisait de laisser faire la fortune. Le gouvernement en leurs mains était, du reste, purement nominal. Dépourvus de moyens directs d’action au delà de Paris et de la banlieue, ils n’administraient ni ne gouvernaient. Surpris par les événements, ils vivaient au jour le jour, évitant les résolutions hardies, et ménageant tout à la fois le présent et l’avenir. Leurs rares décisions, enregistrées au Moniteur sous le titre d’actes du gouvernement provisoire, témoignent suffisamment que M. de Talleyrand et ses collègues, gouvernants de hasard, devaient