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— 1814 —

leur remède en elles-mêmes ; mais, encore une fois, le gouvernement agissait comme s’il avait été décidé à donner raison aux maniaques de la vieille Monarchie. Le passage suivant d’une brochure publiée dans les premiers jours d’octobre par Carnot, et qui eut un grand retentissement, est la peinture vraie du spectacle que donnaient alors les régions officielles :

« Si vous voulez aujourd’hui paraître à la cour avec distinction, gardez-vous bien de dire que vous êtes un de ces vingt-cinq millions de citoyens qui ont défendu leur patrie avec quelque courage contre l’invasion des ennemis ; car on vous répondra que ces vingt-cinq millions de prétendus citoyens sont vingt-cinq millions de révoltés ; que ces prétendus ennemis furent toujours des amis. Dites que vous avez eu le bonheur d’être chouan ou vendéen, ou transfuge, ou Cosaque, ou Anglais, ou enfin qu’étant resté en France, vous n’avez sollicité des places auprès des gouvernements éphémères qui ont précédé la Restauration qu’afin de les mieux trahir et de les faire plus tôt succomber, alors votre fidélité sera portée aux nues, vous recevrez de tendres félicitations, des décorations, des réponses affectueuses de toute la famille royale. »

Ce fut au milieu de l’irritation et des mécontentements soulevés au sein des classes actives et influentes du pays par ces antipathies et ces préférences des nouveaux gouvernants que tomba le discours de M. Ferrand. Nous avons dit la secousse qu’il causa. La discussion du projet de loi qui venait d’en être l’occasion, attendue avec impatience, ne s’ouvrit à la Chambre des députés qu’au bout de six semaines, le lundi 24 octobre. Le rapport de la commission chargée de son examen, déposé et lu par M. Bedoch le 17, concluait à l’adoption. Le principe de la loi était difficilement contestable pour une Chambre dont les membres, en presque totalité, avaient rappelé les Bourbons et adopté la Restauration ; ses dispositions, le principe une fois admis, étaient équitables ; restait l’exposé des motifs ; là était toute l’importance politique de la mesure. L’opinion, inquiète, irritée, comptait sur les commissaires pour avoir raison de M. Ferrand, de ses doctrines et de ses menaces : son attente ne fut point trompée. M. Bedoch, dans son rapport, ne se borna pas à repousser toutes