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— 1814 —

haut rang, à qui l’étranger, vainqueur, avait laissé prendre la direction politique des événements amenés par l’invasion victorieuse. L’histoire pourrait même se dispenser de mentionner cette constitution si son article 2 n’avait pas rendu le trône de France à la maison de Bourbon. Cet article fait toute l’importance de l’acte du 6 avril en voici les termes :

« Art. 2. Le peuple français appelle librement au trône de France Louis-Stanislas-Xavier de France, frère du dernier roi, et, après lui, les autres membres de la maison de Bourbon, dans l’ordre ancien. »

Voilà le titre qui remit le sceptre aux mains de la maison de Bourbon en 1814 ; il fut délivré à cette famille, au nom du peuple français, par soixante-six sénateurs[1] qui stipulèrent en ces termes le prix de cet audacieux mensonge :

« Art. 6. Il y a cent cinquante sénateurs au moins, et deux cents au plus. Leur dignité est inamovible et héréditaire de mâle en mâle par primogéniture. Ils sont nommés par le roi.

Les sénateurs actuels, à l’exception de ceux qui renonceraient à la qualité de citoyens français, sont maintenus et font partie de ce nombre. La dotation actuelle du Sénat et des sénatoreries leur appartient ; les revenus en sont partagés entre eux et passent à leurs successeurs. Le cas échéant de la mort d’un sénateur sans postérité masculine directe, sa portion retourne au Trésor public. Les sénateurs qui seront nommés à l’avenir ne peuvent avoir part à cette dotation. »

Ces stipulations sordides dans un acte où l’on disposait du premier trône du monde, et qui devait, dans la pensée de ses auteurs, décider de l’avenir de la France, soulevèrent le dégoût et l’indignation publique. Attaquée dans une foule de brochures où l’on contestait au Sénat son existence légale,

  1. L’original de la constitution du 6 avril, que nous avons sous les yeux, porte, en effet, soixante-six signatures ; mais neuf des signataires étaient étrangers ; en voici les noms : comtes de Belderbusch, Carbonara, de Gregori, Herwyn de Niveld, de Meerman, Schimmelpenninck, Van de Pol, Van Dedem van de Gelder, Van Zuylen van Nyarlt. Au nombre des cinquante-sept sénateurs français qui ont souscrit cet acte, figurent les deux ex-directeurs Sieyès et Roger-Ducos ; ce dernier fait précéder son nom du titre de comte, titre que Sieyès avait également obtenu ; mais la signature de Sieyès n’est accompagnée d’aucune qualification.