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— 1800 - 1807 —

royaliste ? Cette indignation ne se manifesta nulle part. Dans tous les cas, elle fut de bien courte durée ; car on ne vit pas un seul ancien noble quitter la cour du Premier Consul ; un grand nombre continuèrent de s’y précipiter, et, quelques semaines plus tard, l’immense majorité des hommes de l’ancienne noblesse applaudissait à l’intronisation du nouvel Empereur, s’empressait de peupler toutes les administrations publiques, et voyait ses chefs, les plus éminents par la naissance ou par la fortune, se disputer la place non-seulement dans les salons des nouvelles Tuileries, mais dans les antichambres des membres, même adolescents, de la nombreuse famille de Napoléon. Où donc est la faute ? En revanche, cette exécution d’un malheureux jeune homme, alors paisible, inoffensif, et enlevé violemment à l’asile que lui donnait une terre étrangère, fut un crime dans toute l’énergie du mot.

Louis-Henri de Bourbon, duc d’Enghien, petit-fils du prince de Condé, était né au château de Chantilly, le 2 août 1772. Retiré à Ettenheim, après le licenciement du corps d’émigrés commandé par son grand-père et par son père, il y vivait dans une retraite presque absolue, tout entier à une liaison formée aux jours de sa jeunesse, et sans autres moyens d’existence qu’un secours mensuel de 150 guinées que lui allouait l’Angleterre sur le fonds commun des émigrés. Victime expiatoire des intrigues maladroites ou odieuses des chefs de sa race, il fut exécuté à l’angle est du fossé méridional du château de Vincennes, dans la nuit du 29 au 30 ventôse (20 et 21 mars), dix jours après l’arrestation de Georges Cadoudal, et un an, jour pour jour, en quelque sorte, après la réponse si publique de Louis XVIII aux demandes prétendues d’abdication faites par le Premier Consul[1].

  1. On lit dans le Mémorial de Sainte-Hélène de M. de Las-Cases : « Le langage de l’Empereur, à l’occasion du duc d’Enghien, m’a servi à remarquer, dans sa personne, des nuances caractéristiques des plus prononcées. J’ai pu voir, à ce sujet, très-distinctement en lui, et maintes fois, l’homme privé se