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— 1800 - 1807 —

On ne pouvait révéler avec plus de netteté le rôle que les amis du comte d’Artois se réservaient dans l’entreprise. Tous les complices de Georges ne se montraient pas aussi sincères ; deux jours auparavant, on avait interrogé le marquis, depuis duc de Rivière :

« — Quels sont les motifs de votre voyage et de votre séjour à Paris ?

— Je venais m’assurer de l’état des choses et de la situation politique intérieure, afin d’en faire part aux princes, qui auraient jugé, d’après mes observations, s’il était de leur intérêt de venir ou non en France.

— Quel a été le résultat de vos observations sur la situation politique, le gouvernement et l’opinion ?

— En général, j’ai cru voir en France beaucoup d’égoïsme, d’apathie, et un grand désir de conserver la tranquillité[1]. »

Voici la déclaration de Moreau sur la partie politique du complot :

« Je n’ai point dit à Roland (coaccusé) que je logerais volontiers Pichegru si je n’avais à craindre que mes domestiques le reconnussent ; je lui ai dit que j’aurais du plaisir à rendre service à Pichegru, mais que je ne le logerais pas.

Roland est venu, à la vérité, une seconde fois chez moi pour parler de Pichegru... Dans le mois de pluviôse dernier... il me dit que Pichegru était logé chez lui et qu’il désirait me voir. Je lui dis que j’enverrais Fresnières, mon secrétaire, chez lui, Roland, pour savoir ce que Pichegru désirait.

Le soir, en sortant de table, on me dit que que qu’un me demandait ; je passai dans ma chambre : je fus étonné d’y trouver Pichegru, n’ayant encore reçu aucune réponse par Fresnières, qui n’avait point diné chez moi...

Après avoir entendu Pichegru, qui me parla des ci-devant princes français et des chances que présentait la descente en Angleterre[2], et après lui avoir entendu dire que les formes monarchiques rétablies par

  1. Interrogatoire du 26 ventôse (18 mars).
  2. Les préparatifs de cette descente se faisaient alors au camp de Boulogne. L’inquiétude, à Londres, était bien plus vive que les écrivains anglais ne l’ont dit. Le complot de Georges Cadoudal se lie aux terreurs très-réelles que causait au gouvernement britannique cette menace d’invasion.