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— 1793 - 1799 —

proposition est adoptée par tous les membres présents, aux cris de vive la République ! vive la Constitution ! On procède à l’appel nominal, et chaque membre, montant à son tour à la tribune, prête le double serment demandé. L’Assemblée décrète ensuite qu’elle notifiera son installation au Directoire, et qu’elle invitera le conseil des Anciens à lui confier, dans un message, les motifs de la translation du Corps législatif à deux lieues de Paris. Quelques instants après ce vote, un des huissiers remet au président une dépêche cachetée, que Lucien ouvre et dont il donne communication. C’était la démission de Barras. La lecture de cette pièce soulève une discussion des plus animées. L’Assemblée commençait à entrevoir la vérité. « Eh bien, s’écrient plusieurs membres, occupons-nous de remplacer immédiatement Barras ! Formons une liste de candidats ! » Le représentant Grandmaison appuie la proposition : « La situation où nous sommes cache un danger, ajoute-t-il ; mais ce danger quel est-il ? où est l’ennemi ? Nul ne peut ou n’ose le dire ; car, évidemment, quelques-uns d’entre nous savent d’où nous sommes partis et où nous allons. »

À ce moment, un bruit confus, venant du dehors, interrompt l’orateur. Tous les regards se portent involontairement vers les portes de la salle, qui, s’ouvrant presque aussitôt, laissent apercevoir un nombreux détachement de grenadiers armés que précède le général Bonaparte. Les grenadiers s’arrêtent, et se groupent sur le seuil de la porte ; Bonaparte s’avance seul vers la tribune.

C’était la première fois, depuis 1789, qu’un général osait pénétrer dans l’enceinte du pouvoir législatif sans y avoir été mandé. L’audace d’une telle démarche, chez un chef militaire, réveille la fierté des plus timides ; toutes les dissidences d’opinion disparaissent devant cet outrage à la souveraineté du Conseil. Une longue clameur d’indignation s’élève de toutes les parties de la salle ; les cris de à bas le dictateur ! hors la loi ! mort au tyran ! partent de tous les bancs. Bonaparte,