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— 1814 —

sonnes réunies dans le salon où je me trouvais ; il y en avait dont le visage était réellement décomposé[1]. »

L’empereur de Russie était seul lorsque les plénipotentiaires impériaux arrivèrent auprès de lui. Le général Dessolles entra immédiatement après eux ; Alexandre l’avait fait appeler en qualité de commandant de la garde nationale et comme représentant de la population armée de Paris. La conférence, par cette adjonction, se trouvait composée de cinq personnes.

Le maréchal Macdonald ouvrit la discussion. Sa parole fut élevée, chaleureuse ; il n’oublia rien de ce qui pouvait agir sur l’esprit ou remuer le cœur d’Alexandre. Il parla noblement de Napoléon, de sa gloire, de sa grandeur et de ses revers. Interprète des sentiments de l’armée, il peignit avec énergie ses sacrifices, son infatigable bravoure, son inébranlable dévouement à l’homme qui la conduisait depuis quinze ans. Fidèle à Napoléon aux jours de sa puissance, disait le maréchal, l’armée ne l’abandonnerait pas avec la fortune : tous, chefs et soldats, croiraient commettre un acte de lâcheté en ne soutenant pas sa cause, tant qu’il leur resterait des armes et un champ de bataille. « Cette cause, du reste, ajouta Macdonald, devient d’autant plus sacrée, que l’Empereur consent à quitter le trône, et que sa personne reste en dehors de la mission dont il nous a chargés. Il s’inquiète peu du sort qu’on lui réserve ; nous avons plein pouvoir de traiter pour la régence, pour l’armée, pour la France ; mais Napoléon nous a positivement défendu de rien stipuler pour lui. »

Ces derniers mots parurent causer une vive impression à Alexandre. « Cela ne m’étonne pas de lui, » dit-il d’une voix émue à Macdonald.

Ney prit ensuite la parole. Envisageant la question sous le point de vue militaire, il énuméra toutes les ressources, toutes

  1. « Je tiens de M. Anglès lui-même que les conspirateurs crurent un instant la partie perdue ; il avait fait charger sa voiture de voyage, persuadé que tout était fini. » Mémoires du duc de Rovigo, t. VII. — M. Anglès remplissait, sous le gouvernement provisoire, l’intérim du ministère de la police.