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— 1793 - 1799 —

Ces éclats d’une joie insensée, ajoute Dulaure, étaient le prélude d’une prochaine catastrophe. »

L’enthousiasme, pour employer l’expression de Dulaure, qui saisit le Corps législatif à cette nouvelle peut donner la mesure de l’émotion que produisit dans les masses l’arrivée du général en chef de l’armée d’Orient. Tous les regards furent aussitôt tournés vers lui : tous les chefs militaires présents à Paris, les membres les plus influents des deux Conseils et jusqu’aux Directeurs eux-mêmes, se pressèrent autour du jeune général. Par cela même qu’un changement de gouvernement était dans toutes les pensées, et que l’opinion publique désignait Bonaparte comme l’homme de la circonstance, chacun s’efforçait de l’attirer à ses plans de reconstruction politique ou de rénovation sociale, ou plutôt chacun cherchait à s’associer à sa fortune.

Le Gouvernement et les Conseils se partageaient en trois fractions politiques principales : les immoraux ou les pourris, dirigés par Barras ; les Jacobins, qui, depuis la mort successive de Hoche et de Joubert, se ralliaient autour de Bernadotte, ministre de la guerre ; les modérés, que conduisait le directeur Sieyès. « M’associer à ces derniers, a dit Bonaparte, m’exposait à de grands périls ; avec les Jacobins je n’en courais aucun ; ils m’offraient de me nommer dictateur ; mais, après avoir vaincu avec eux, il m’eût fallu presque aussitôt vaincre contre eux. Les clubs ne supportent pas de chef durable ; il leur en faut un pour chaque passion. » Bonaparte écouta les modérés. Quinze jours s’étaient à peine écoulés depuis son retour, que l’abbé Sieyès, activement secondé par l’ancien évêque d’Autun, Talleyrand, ministre des affaires étrangères, et par l’ex-oratorien Fouché, ministre de la police, concertait avec ce général, avec son frère Lucien

    France, en ressentit, dit-on, une joie si vive, qu’il se livra à des actes étrangers à son caractère, et fut, le soir, attaqué d’une goutte remontée dont il mourut. (Note de Dulaure.)