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— 1793 - 1799 —

nées le porta au Directoire. Membre de la majorité directoriale en fructidor, ses collègues, Laréveillère-Lépeaux et Rewbell, tous deux avocats, lui avaient facilement abandonné le premier rôle dans cet événement, sorte de coup d’État militaire. Les royalistes, dans leurs incurables illusions, avaient, dès lors, attribué à l’importance et à l’action personnelles de ce Directeur un succès qui était l’unique résultat de leur faiblesse comme opinion et comme parti. En gagnant Barras, il leur semblait donc gagner la République et le gouvernement républicain lui-même. Aussi la joie fut grande dans la petite cour de Mittau quand on y apprit que le terrible proscripteur de 1797 était disposé à se vendre à la royauté.

La position du Directoire, dans les derniers mois de 1199, explique le changement survenu, non dans les opinions de Barras, qui n’eut jamais la moindre conviction politique, mais dans la marche de ses idées. Barras et ses collègues n’avaient usé de l’espèce de dictature dont la journée du 18 fructidor les avait investis que pour opérer, dans le commandement des armées, dans les finances et dans l’administration, les changements les plus fâcheux. Cette victoire semblait avoir épuisé leurs forces. L’effort accompli, leur énergie s’était affaissée. Tous les ressorts du pouvoir s’étaient successivement détendus. Les séances des Conseils législatifs eux-mêmes se perdaient en dénonciations ayant pour résultat habituel de fréquentes mutations dans le personnel du Directoire et des départements ministériels. Le palais du Luxembourg, habité par Barras, était devenu un bazar où d’effrontées courtisanes et des intrigants de tous les régimes vendaient les emplois de toute nature et tenaient boutique ouverte de fournitures, de marchés pour les armées, et de radiations d’émigrés. Les autorités des provinces, subissant à leur tour l’influence du relâchement du pouvoir central, laissaient, pour ainsi dire, sans répression