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— 1814 —

menacé sur sa gauche par le premier, sur sa droite par le second, et près de se voir forcé en tête par Schwartzenberg et par Giülay ; laissé d’ailleurs dans la plus complète ignorance sur la prochaine arrivée de Napoléon, le maréchal jugea le moment venu de faire usage de l’autorisation de Joseph[1]. Il fit appeler le colonel Charles de Labédoyère, et lui donna l’ordre de traverser les lignes des deux armées, précédé d’un trompette, pour gagner le quartier général allié et proposer aux souverains une suspension d’armes. Labédoyère partit ; mais il ne tarda pas à reparaître : son cheval et celui de son trompette venaient d’être tués. Passer, disait-il, était impossible ; l’ennemi, devant les positions du maréchal, se trouvait trop nombreux, le terrain trop difficile, et le feu trop vivement engagé[2].

Le général Compans, au bas des buttes, à la Villette, était plus favorablement placé ; ses avant-postes tenaient l’entrée de la grande route. Le duc de Raguse lui envoya l’ordre de tenter la négociation. Compans fit successivement partir trois parlementaires : le premier fut tué, le second grièvement blessé ; le troisième, M. de Quélen[3], son aide de camp, put enfin arriver au château de Bondy, où se trouvaient Alexandre et le roi de Prusse ; il leur exposa sa mission. « Mon intention

  1. « Il ne vint à la pensée de Dejean ni de Mortier de faire connaître à Marmont la prochaine arrivée de l’Empereur, d’user le temps de la suspension d’armes, et de tenter un nouvel effort pour attendre la nuit. » (Mémoires du duc de Rovigo, t. VII, p. 17.)
  2. Le colonel de Labédoyère, grièvement blessé à la bataille de Bautzen, où il commandait, croyons-nous, le 112e régiment de ligne, était alors en congé à Paris. Bien qu’il fût encore souffrant le 30 mars, il n’hésita pas, ainsi que plusieurs autres officiers dans la même position, non point à offrir ses services au gouvernement, mais à se porter sur le champ de bataille et à se mettre sous les ordres du duc de Raguse.
    Nous citerons, parmi les généraux qui tinrent cette noble conduite, le général Michel, de la garde impériale, qui, blessé grièvement à Montmirail, quitta littéralement son lit pour reprendre son épée et se mêler aux quelques détachements de grenadiers à pied chargés de la défense du canal ; les généraux Chastel, Boyer de Rébeval et Boudin, blessés également tous trois.
  3. Frère de l’archevêque de Paris.