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— 1793 - 1799 —

Nous devons placer ici un fait qui intéresse l’histoire particulière de la famille de Bourbon. Au mois de mai 1799, arriva à Mittau Marie-Thérèse, fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette, longtemps enfermée au Temple, et que la Convention avait échangée, le 26 décembre 1795, à Reichen, près Bâle, contre MM. de Sémonville et Maret, le général Beurnonville et les représentants du peuple enlevés par Dumouriez. Cette jeune princesse était restée jusqu’alors à Vienne, dans la famille de sa mère. Le prince Charles, frère de l’empereur François II, avait demandé sa main. Cette union présentait de brillants avantages à l’orpheline ; mais son respect pour les dernières volontés de son père, qui lui avait recommandé d’épouser son cousin le duc d’Angoulême, fils ainé du comte d’Artois, la lui fit refuser. Son mariage avec ce prince, déception amère pour la femme, triste mensonge pour l’épouse, fut célébré un mois après son arrivée, le 10 juin, dans la grande galerie du château des anciens ducs de Courlande[1].

Le cabinet de Saint-Pétersbourg, par le traité qui venait de l’unir à l’Angleterre et à l’Autriche, s’était obligé de fournir à la coalition un contingent de quarante mille hommes. Lorsque ce corps d’armée, placé sous le commandement de Souwaroff, traversa la Lithuanie pour entrer en Pologne, le général russe vint visiter la cour de Mittau : les félicitations et les encouragements ne lui furent point épargnés ; en prenant congé de Louis XVIII, Souwaroff lui baisa la main et lui dit :

  1. La duchesse d’Angoulême avait quatre ans lorsque Paul Ier visita la France sous le nom de comte du Nord. On raconte que ce prince, avant son départ, se rendit à Versailles pour prendre congé, et passa toute une journée dans l’intérieur de la famille de Louis XVI. Au moment de quitter le palais, Paul prit la jeune princesse dans ses bras et l’embrassa.
    « — Adieu, lui dit-il, je ne vous verrai plus, car jamais je ne reviendrai en France.
    — Eh bien, monsieur le comte, j’irai vous voir, moi, » lui répondit l’enfant.
    Douze ans après, elle vint en effet chercher un asile dans les États du comte du Nord.