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— 1814 —

Leurs conducteurs étaient fort abattus. La plupart paraissaient dans la plus grande détresse. Fait incroyable ! l’approche de l’ennemi pouvait suspendre les approvisionnements de Paris : en pareil cas, on alloue une prime aux chargements de denrées qui arrivent. Eh bien, l’octroi n’avait rien changé à ses tarifs ni à ses habitudes : à mesure que les fuyards de la campagne se présentaient pour entrer, les employés de la ville les arrêtaient impitoyablement aux portes, et contraignaient ces pauvres gens de payer pour leurs provisions, pour leurs fourrages et leur bétail, des droits qu’ils n’acquittaient qu’en vendant à vil prix, hors barrière, une partie de ce qu’ils espéraient sauver. Quand, entrés dans Paris, ils avaient pu trouver, sur les boulevards ou dans les grandes rues des faubourgs, un endroit où placer leurs chars ou leurs charrettes, ils attachaient les bestiaux aux ridelles ou aux roues, en confiaient la garde aux enfants et aux femmes, et allaient grossir les groupes, les lignes de curieux stationnés sur les boulevards compris entre la porte Montmartre et la place Saint-Antoine.

Cette foule était impatiente de nouvelles plutôt qu’agitée. On interrogeait chaque nouvel arrivant ou les soldats isolés qui passaient, et l’on commentait leurs réponses. Vers les deux heures, des crieurs circulèrent sur toute cette ligne, vendant un sou la proclamation suivante :

« Le roi Joseph, lieutenant général de l’Empereur, commandant en chef de la garde nationale, aux citoyens de Paris.

Citoyens de Paris, une colonne ennemie s’est portée sur Meaux, elle s’avance par la route d’Allemagne ; mais l’Empereur la suit de près, à la tête d’une armée victorieuse. Le conseil de régence a pourvu à la sûreté de l’Impératrice et du roi de Rome. Je reste avec vous !

Armons-nous pour défendre cette ville, ses monuments, ses richesses, nos femmes, nos enfants, tout ce qui nous est cher ! Que cette vaste cité devienne un camp pour quelques instants, et que l’ennemi trouve sa honte sous ces murs qu’il espère franchir en triomphe ! L’Empereur