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mensonges faits après coup, dont il a été si prodigue et qui lui ont si longtemps servi à duper l’opinion. Ici, le commentaire avait un double but : maintenir dans l’esprit du vulgaire son renom de profonde habileté, puis, expliquer dans un sens favorable à son récent royalisme des conseils qui, adoptés, auraient sauvé, sinon l’Empereur, du moins l’Empire. M. de Talleyrand était sincère lorsque, le 28 mars, il combattait le départ de l’Impératrice. La régence était sa secrète pensée ; ce qu’il voulait à ce moment, ainsi que tout son entourage, c’était, en effet, l’Empire moins l’Empereur. Sous Napoléon, M. de Talleyrand était, en quelque sorte, le second personnage du pays ; avec la régence, il devenait inévitablement le premier. Altesse sérénissime, vice-grand électeur, vice-président du Sénat, il était surchargé de dignités, et les traitements dont il jouissait étaient immenses. En outre, sa principauté de Bénévent ne lui donnait pas un vain titre ; cette possession faisait de lui presque un souverain. Quelle combinaison politique pouvait lui assurer les mêmes honneurs et la même fortune ? Sa position avec l’établissement impérial était si haute, en un mot, que l’avénement d’un autre pouvoir, quel qu’il fût, le forçait à descendre. M. de Talleyrand a subi le retour des Bourbons ; il ne l’a point provoqué. Il ne prit parti pour eux qu’à la dernière extrémité, lorsque les souverains, maîtres de Paris, lui parurent décidés à rétablir l’ancienne famille royale. « À l’Empereur je préférerais tout, même les Bourbons, » disait-il à la duchesse de Vicence au moment où le canon des Alliés retentissait sur les hauteurs de Belleville. Cette répugnance de M. de Talleyrand pour les Bourbons est facile à comprendre : embaucheur de son ordre au profit du tiers en 1789, aumônier de la Fédération en 1790, provocateur de la vente des biens du clergé et prélat consécrateur du nouvel épiscopat constitutionnel en 1791 et 1792, ministre du Directoire lors des proscriptions de fructidor, dévoué durant de longues années à l’élévation de Napoléon comme à la ruine