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dignation la plus vive, si la coalition avait été vaincue. Les souverains comptaient positivement sur eux ; mais sur eux seuls. C’est l’abbé de Pradt lui-même qui en a fait l’aveu dans un écrit publié le lendemain, pour ainsi dire, de l’événement, lorsque le mensonge était impossible, et quand il était plus profitable pour son ambition d’exagérer les dévouements de cette nature que de les amoindrir[1]. Après avoir exalté les motifs qui portaient MM. de Talleyrand, de Dalberg et Louis, à désirer la chute de l’Empereur et le triomphe de l’ennemi, ce prêtre effronté se dénonce lui-même en ces termes : « Quelque peu de titres que je puisse avoir à cet honneur (de se trouver au nombre des auxiliaires sur lesquels comptait l’ennemi), il m’avait été accordé. On avait même poussé l’attention jusqu’à pourvoir à notre avenir, s’il eût été compromis par les événements[2]. »

Ajoutons, pour la parfaite appréciation des faits de cette époque, que l’abbé de Pradt, MM. de Talleyrand, de Dalberg et Louis, ne connurent qu’après l’entrée des Alliés les ouvertures royalistes où leur nom était intervenu. Parti de Paris à l’aventure, sans autre but que de rejoindre le frère de Louis XVIII, M. de Vitrolles, une fois à Troyes, n’avait pris mission que de lui-même. L’occasion l’avait inspiré. La Paix avec l’établissement impérial, moins l’Empereur, voilà le seul changement désiré par les mécontents de l’Empire. Leur audace n’allait pas au delà. On lit, en effet, dans le Récit historique déjà cité : « Que voulait-on à cette époque ? deux choses : être délivré d’un joug insupportable et continuer l’ordre établi. Il faudrait n’avoir pas habité Paris une minute pour élever le

  1. Récit historique sur la restauration de la royauté en France, le 31 mars 1814. — 1816.
  2. M. de Pradt fait allusion, ici, à des paroles dites par les ministres étrangers à M. de Vitrolles, et que ce dernier avaient rapportées, après le 31 mars, à l’archevêque de Malines. « Si ces messieurs se compromettaient, avaient dit MM. de Nesselrode et de Metternich à M. de Vitrolles, ils n’auraient rien à craindre pour leur avenir, ils en trouveraient un chez nous. »