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— 1814 —

de sa personne ; condamné par cet isolement à subir l’influence d’un entourage doré, titré, qu’il regardait comme indispensable à la splendeur de son rang, il n’eut pas la force de résister aux obsessions de ses lieutenants : après avoir lutté durant tout un jour et toute une nuit contre leur mécontentement, il céda ; et, le 28 mars au matin, l’armée reprit la route de Paris.

L’Empereur venait de perdre cinq jours à Saint-Dizier. Son inaction dans cette ville lui fut fatale. Napoléon, à Saint-Dizier, ne se trouvait pas assez éloigné de Paris pour être dans l’impossibilité de courir à la défense de cette capitale ; il ne s’en trouvait pas assez près pour être certain d’arriver à temps. Si, le 23, il avait suivi sa première inspiration, non seulement il n’aurait pu songer à revenir sur ses pas, mais il aurait continué d’avancer sur le Rhin, et le comte d’Artois, enfermé dans Nancy, douze heures de marche de Saint-Dizier, tombait en ses mains. Nous avons dit les autres résultats qu’il attendait de ce mouvement. Mieux que personne les généraux coalisés pouvaient apprécier le péril où les jetait ce nouveau système d’opérations. Or voici ce qu’on lit dans l’histoire de la campagne de 1814, par un témoin oculaire, par sir Robert Wilson, général anglais, alors attaché à l’état-major des souverains :

« Les Alliés se trouvaient dans un cercle vicieux d’où il leur était impossible de se tirer, si la défection ne fût venue à leur secours. Ils étaient hors d’état d’assurer leur retraite, et cependant ils étaient obligés de se retirer. Cette défection, favorable à leur cause, fut consommée au moment même où le succès de Bonaparte semblait hors des atteintes de la fortune. Le mouvement sur Saint-Dizier, qui devait lui assurer l’empire, lui fit perdre la couronne. »

La défection, ici, ne doit pas s’entendre dans le sens matériel du mot. Sir Robert fait allusion à deux faits : d’abord, à la concentration des Alliés, à leur mouvement sur Paris, ré-