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— 1814 —

gendre déjà maître de tous les passages des Vosges et des montagnes de la haute Saône, avait traversé Troyes sans oser s’y arrêter, et s’était enfui jusqu’à Dijon. L’empereur de Russie et le roi de Prusse, plus résolus, avaient fait halte à quelques lieues au delà de Troyes, pour attendre le gros de l’armée, qui suivait en toute hâte en enlevant tous les ponts qu’elle avait jetés sur son passage. C’était l’équipage d’un de ces ponts qui venait de tomber aux mains de Napoléon, et la colonne qu’il avait également capturée formait le dernier détachement de l’extrême arrière-garde. La perspective d’une marche de Napoléon sur leur route de retraite, et de manœuvres ayant pour résultat de couper leurs communications avec le Rhin, avait jeté une épouvante si grande dans tous les rangs des coalisés, qu’un officier anglais, attaché au quartier général allié, raconte, dans ses Mémoires, que, le 18, à quatre heures du matin, Alexandre fit dire au prince de Schwartzenberg qu’il croyait urgent d’envoyer à Châtillon un courrier chargé de porter aux plénipotentiaires l’ordre d’accepter toutes les propositions du duc de Vicence, et de signer le traité de paix tel qu’il le demanderait. Un autre écrivain militaire étranger ajoute que le Tzar s’écria à diverses reprises, pendant cette marche, « que la moitié de sa tête en blanchirait. »

L’épouvante que le seul bruit de ses pas jetait au cœur de ses ennemis trompa plus d’une fois, dans le cours de cette héroïque guerre, les calculs de Napoléon. Ainsi l’Empereur venait de quitter Reims avec le projet de mettre les masses de Schwartzenberg entre Paris et la petite armée française, et, par le fait de la retraite de ce général, c’étaient nos troupes, au contraire, qui se trouvaient placées entre les Alliés et Paris. Trop faible pour attaquer de front, Napoléon reprend son projet de manœuvrer sur les derrières de l’ennemi, et se met aussitôt en devoir de le réaliser en se portant, par sa gauche, sur Chaumont et sur Langres. Le 20, dans la nuit, il part de