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— 1814 —

dont Soissons garde le seul passage, toutes les issues lui sont fermées ; il se voit perdu. Résolu de tenter un effort désespéré, il ordonne à tout hasard une démonstration contre Soissons. Ses colonnes démoralisées s’avancent, prêtes à rétrograder et à se dissoudre au premier coup de canon. Chose étrange ! L’artillerie des remparts reste muette, les ponts-levis s’abaissent ; les Prussiens étonnés pénètrent une seconde fois dans la place. Blücher est sauvé !

Soissons, abandonné par les généraux Woronzoff, York et Sacken après leur jonction dans cette place, avait été occupé par le duc de Trévise, le 19 février. Forcé de se replier sur Meaux, à la suite du dernier mouvement offensif de Blücher, le maréchal y avait laissé une garnison suffisante sous les ordres d’un général au nom malheureux, le général Moreau. Les troupes amenées de Belgique par le général Woronzoff n’étaient que l’avant-garde d’un corps plus considérable commandé par les généraux Bulow et Wintzingerode, qui suivaient à quelques marches de distance. Arrivés, à leur tour, devant Soissons au moment même où Blücher quittait la Ferté-sous-Jouarre, Bulow et Wintzingerode sommèrent le général Moreau de rendre la place. Ce général pouvait se défendre ; il capitula : nous venons de dire les résultats de cette lâche faiblesse.

L’armée prussienne ne s’arrêta pas dans Soissons ; elle continua de rétrograder en désordre sur Laon, où elle devait se reformer. Décidé à se débarrasser de Blücher par une bataille, Napoléon quitte Fismes, franchit à son tour l’Aisne, à dix lieues au-dessus de Soissons, à Béry-au-Bac, et suit le mouvement de l’ennemi. Le 7 mars il atteint, à Craonne, les corps russes venus de Belgique, que Blücher venait de trouver à Soissons et qui étaient chargés de protéger sa retraite : ces corps, retranchés sur des hauteurs hérissées d’artillerie, occupaient une position formidable qu’ils défendirent avec le plus grand acharnement, et dont l’Empereur parvint cependant à s’emparer. Les Russes se replièrent sur le gros des