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— 1814 —

raux de la suite de l’Empereur qui crie : Aux Cosaques ! et se défend. Un des assaillants, apercevant à quelques pas de là un cavalier à redingote grise qui marchait à peu près seul, quitte aussitôt ses camarades, et court sur ce dernier. Le général Corbineau se jette vainement à la traverse : « Je serais mort, a raconté Napoléon, si Gourgaud n’avait, d’un coup de pistolet, fait sauter la cervelle d’un Cosaque dont la lance m’atteignait déjà en pleine poitrine[1]. » L’escorte arrive enfin, sabre quelques-uns de ces effrontés maraudeurs, qui abandonnent alors le terrain et disparaissent.

Si la journée du 29 janvier nous avait donné la ville de Brienne, elle ne fit que hâter, en revanche, la jonction des deux premiers corps de Blücher et de l’armée de Schwartzenberg. La rencontre eut lieu à Bar-sur-Aube, ainsi que l’avait espéré le feld-maréchal prussien. Une fois réunis, les deux généraux, descendant la rive droite de l’Aube, revinrent ensemble sur Napoléon, et ne s’arrêtèrent qu’à deux lieues et demie au-dessus de Brienne, au village de la Rothière, où se trouvaient nos avant-postes. Une bataille devenait inévitable ; elle eut lieu le 1er février. L’acharnement fut égal des deux parts. Les Français combattaient au nombre de 40,000 hommes contre 160,000. Grâce aux efforts du plus héroïque courage, nos troupes parvinrent à conserver leur champ de bataille ; elles ne purent rien gagner au delà. Trop faibles pour tenter le lendemain la fortune, elles profitèrent de la nuit pour passer sur la rive gauche de l’Aube, à l’aide des ponts rétablis pendant les deux jours précédents, et se retirer sur Troyes. Les Alliés ne pouvaient se glorifier de nous avoir battus ; cette rencontre de la Rothière n’en demeu-

  1. Récits de la captivité de Sainte-Hélène, par le comte de Montholon : « Je regrette, à présent, ajoutait l’Empereur, que le bulletin de la bataille de Brienne n’ait pas dit cette circonstance ; c’est Berthier qui ne l’a pas voulu, afin de ne pas effrayer l’Impératrice, et de ne pas faire connaître l’excès des périls qui menaçaient l’Empire. » Le général Gourgaud reçut, à cette occasion, de l’Empereur, l’épée que ce dernier portait dans ses campagnes d’Italie.