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— 1813 —

La reprise des hostilités amena sur la scène deux nouveaux acteurs, tous deux anciens généraux de la République, Bernadotte et Moreau.

Les intérêts de la Suède, que blessait profondément le blocus continental, peuvent faire comprendre l’accession de cette puissance à la coalition des trois grandes cours du Nord contre l’empire français et son chef ; mais ce que l’on conçoit moins, ce que rien ne saurait justifier, c’est le rôle que prit Bernadotte dans la lutte de l’Europe contre la France. Général en chef des armées de la République, ministre de la guerre à deux reprises différentes sous le Directoire, maréchal et prince de Ponte-Corvo sous l’Empire, il ne pouvait oublier que c’était à la France et à l’Empereur qu’il se trouvait surtout redevable de sa nouvelle position, ainsi que du trône qui l’attendait. On a dit, pour excuser ce prince, que l’Empereur avait contrarié son élection à l’héritage du trône de Suède. Ce reproche n’a pas le moindre fondement. La Suède, à cette époque, gravitait dans l’orbite impérial, et ce qui fixa sur Bernadotte le choix des États suédois fut précisément son double titre de maréchal de l’Empire et d’allié de la famille de Napoléon[1]. L’élection de Bernadotte n’aurait pas eu lieu si l’Empereur y avait apporté la moindre opposition, et Bernadotte lui-même n’aurait pas accepté ce trône si Napoléon, malgré les fautes graves — nous devrions dire les crimes — de ce maréchal à Iéna et à Wagram, ne le lui avait pas permis. Il y a plus : au moment de partir pour Stockholm, Bernadotte reçut de l’Empereur le don d’un million destiné à lui donner les moyens de soutenir sa nouvelle dignité sans être obligé de recourir immédiatement au trésor épuisé de la Suède[2]. « Pour prendre femme, a dit

  1. Joseph Bonaparte et Bernadotte avaient épousé les deux sœurs.
  2. « Au comte Mollien, ministre du Trésor. Donnez un million au prince de Ponte-Corto, sur la caisse de service ; cela sera ensuite régularisé.
    Saint-Cloud, 16 septembre 1810.
    « Napoléon »

    — « Au même. Je donne ordre que le million avancé par la caisse de service